CINQ SENS
Le thme, traditionnel depuis le Moyen Age, est illustrŽ de faon
symbolique ou allŽgorique É Il semble que, si les textes classiques y font
rŽfŽrence, il n'y ait pas de reprŽsentation dans l'antiquitŽ grecque, romaine
et byzantine. Traditionnellement
pourtant, le sujet se rŽfre ˆ la philosophie dÕAristote, pour qui les sens
sont la base de la connaissance humaine. Mais pour le christianisme, ils sont
tout autant suspects de porter lÕhomme au pŽchŽ. Au
Moyen Age, plusieurs traitŽs religieux relient les sens aux vices et aux pŽchŽs
mortels. Et le premier objet connu
sur lequel figurent les cinq sens est la broche Fuller, broche ronde en argent
niellŽ comme en portaient les dames anglo-saxonnes aux 9e et 10e sicles.
La broche de Fuller
Broche ronde, dŽcor central composŽ de cinq personnages reprŽsentant
les cinq sens : au centre la Vue, personnage aux yeux proŽminents, le Gožt a la
main sur la bouche, l'Odorat ˆ les mains derrire le dos et se tient entre des
plantes, le Toucher se frotte les mains, l'Ou•e lve une main vers son oreille.
Autour, des mŽdaillons dans lesquels figurent des hommes, des oiseaux, des
animaux et des plantes qui reprŽsentent les diffŽrents aspects de la crŽation.
MOYEN AGE
Le thme se retrouve ensuite dans diverses Ïuvres, jusqu'au XIIIe
sicle, o la symbolique, influencŽe par L'histoire naturelle de Pline l'Ancien, devient zoomorphe:
la taupe, le cerf ou le sanglier symbolisent l'ou•e ; le lynx, le chat ou
l'aigle la vue; le singe, le gožt; le vautour, le chien, l'odorat; l'araignŽe
ou la tortue le toucher. Apparaissent alors les Bestiaires d'amour o le lion,
symbole de force et de vaillance, se joint ˆ eux pour signifier entre autres
l'apprŽciation positive portŽe sur les Sens. La Dame ˆ la licorne en est le meilleur exemple.
La dame ˆ la licorne, tapisseries de la fin du XVe
InspirŽes d'une lŽgende allemande du XVe sicle, les tapisseries
dites de Ç La Dame ˆ la licorne È furent tissŽes dans les Flandres entre 1484
et 1500. Elles avaient ŽtŽ commandŽes par Jean Le Viste, prŽsident de la Cour
des Aides de Lyon. Cinq expriment une apologie des sens, la sixime montre la
jeune femme dŽposant un collier dans un coffre, signe de renoncement aux
plaisirs de ce monde. Chaque tapisserie, tissŽe de laine et de soie, comporte
une ”le bleu sombre qui contraste avec le fond rouge ou rose semŽ de fleurs. La
dame qui prend place au milieu de cette ”le, entourŽe d'un lion et d'une
licorne, se livre ˆ une occupation qui symbolise un sens. Les croissants de
lune rŽpŽtŽs dans la tenture appartiennent aux armoiries de gueules ˆ la bande
d'azur de la famille Le Viste.
- le gožt : la Dame regarde la perruche qu'elle tient de la main gauche. Elle
prend une friandise dans le drageoir que lui tend sa servante. Le singe ˆ ses
pieds souligne la signification de la scne en mangeant une baie ou une dragŽe,
et le lion se lche les babines.
- le toucher: la Dame tient un Žtendard d'une main et caresse la corne de la
licorne de l'autre.
- l'ou•e: la Dame joue d'un orgue portatif posŽ sur une table recouverte d'un
tapis turc. Le lion et la licorne, qui l'entourent, apparaissent comme motifs
dŽcoratifs sur les montants de l'orgue.
- la vue: la Dame tient un miroir dans lequel se contemple la licorne. Cette
dernire pose ses pattes antŽrieures sur les genoux de la Dame.
- l'odorat: la Dame tresse une couronne de fleurs. Le singe, assis derrire
elle, respire une fleur saisie dans un panier.
- Mon seul dŽsir pourrait tre une sorte de conclusion philosophique: la dame ne
choisirait pas un bijou dans le coffret que lui prŽsente sa suivante, mais, au
contraire, y dŽposerait, en signe de renoncement, le collier qu'elle porte dans
les cinq autres tapisseries. Selon certains auteurs, cette sixime tapisserie
serait l'entendement, vertu qui, avec la vue et l'ou•e, dŽfinit les choses de
l'esprit, alors que toucher, gožt, odorat sont des sens de la matire.
RENAISSANCE (XVIe)
L'on sÕintŽresse ˆ lÕHomme et les cinq sens sont souvent
personnifiŽs par des femmes ou de jeunes garons; les unes comme les autres
pouvant tre ange ou Satan, porteurs du pŽchŽ, de dŽlices et de dŽmons. On
associe aussi aux diffŽrents sens les dieux olympiens: Jupiter ˆ la vue, CŽrs
au gožt, Apollon ˆ l'ou•e, Diane ˆ l'odorat.
Deux courants vont cohabiter dans la reprŽsentation: la cŽlŽbration
des cinq sens comme sources de plaisir, et une dimension religieuse o la
symbolique veut en montrer les dangers dans les Žgarements possibles. Certaines oeuvres soulignent que les sens
heurtent parfois la morale: la vue se rapproche de l'impudeur, de la vanitŽ;
l'ou•e, de la flatterie, de l'oisivetŽ, du divertissement; le toucher, de la
luxure, de la sensualitŽ; le gožt, de l'intempŽrance.
Jan Saenredam (1565-1607), les 5 sens
Gravures d'aprs Goltzius, vers 1595/96
S'y manifeste ˆ l'Žvidence le lien entre la vue et lÕimpudeur,
lÕou•e et la vile flatterie, le gožt et lÕintempŽrance, lÕodorat et la
corruption, le toucher et la luxure. La vue
prŽvient contre le dŽbridement du "petit Ïil", l'ou•e, dans le titre
latin du tableau, est associŽe aux "sirnes flatteuses", l'odorat, o
galant et chien flairent les roses, fait allusion au "fiel" qui se
cache sous le parfum, le gožt, avec le singe, met en garde dans le titre latin
contre la "gula", l'intempŽrance.
Graveur
sur cuivre, pre du peintre d'architectures Pieter Saenredam.
Jan Brueghel l'ancien, dit de Velours (1568-1625), les 5 sens
Cette vaste composition rŽunit plusieurs des codes dŽsignateurs des
sens. L'interprŽtation en est de ce fait dŽlicate et multiple.
- les animaux: chien, chvre, cerf, oiseau (vautour?)
- les choses: fleurs, fruits, coupe, instruments de musique, miroir
- les personnages, ˆ l'Žvidence mythologiques, sont au nombre de
six, hors les nombreux putti.
L'interprŽtation que je propose s'appuie ˆ la fois sur les symboles
dŽtaillŽs par Ripa (cf. ci-dessous) et sur les rŽfŽrences mythologiques
relevŽes plus haut, ou supposŽes.
1- L'odorat : fleurs, chien (prs de la table), Diane (ˆ droite,
avec son arc), et la nymphe au fond aux bras chargŽs de fleurs (Flore sans
doute)
2- L'ou•e: le cerf
derrire la tenture ˆ droite, les instruments de musique, et le personnage
masculin assis, Apollon.
3- Le gožt: la femme au premier plan, tenant une coupe, environnŽe
de fruits: CŽrs. Notons l'attitude proche de la CŽrs de Niccolo dell' Abbate.
4- Le toucher: ˆ gauche, la ronde d'enfants, l'enfant serrant la
draperie de la femme, les instruments de musique ˆ cordes et percussion. La
dŽesse est sans doute Junon, dŽesse du mariage et de l'enfantement, dont la
chvre (ˆ droite prs de l'arbre) nourricire est un des attributs.
5- La vue: le vautour (ou tout autre oiseau) sur le bras droit de la
femme assise prs d'Apollon, le miroir que lui prŽsentent deux putti. Cette
femme ne peut gure tre que VŽnus.
Personnages qui suggrent une interprŽtation secondaire
Žrotique: chacun sait qu'Apollon
et VŽnus eurent des amours coupables, d'o leur prŽsence c™te ˆ c™te, mais
Žgalement, prs d'eux, du cerf et de la chvre (qui pourrait alors tre un
bouc),tous deux symboles, aussi, de luxure.
Fils
de Pieter Bruegel l'Ancien, frre de Pieter Bruegel le Jeune, il s'initie au
dessin auprs de sa grand-mre, Maria Bessemers, peintre elle-mme. Il se forme
ensuite ˆ Anvers, puis voyage en Italie o il se lie d'amitiŽ avec des mŽcnes
pour lesquels il continuera ˆ travailler aprs son retour dans le nord. ƒtabli
ˆ Anvers, il Žpouse la fille de GŽrard de Jode, dont il a deux enfants, Jan
Bruegel le Jeune et Paschasia. Veuf, il se remarie en 1605. Huit enfants vont
na”tre de ce second mariage. Beau-pre de David Teniers, Jan Bruegel a eu des
Žlves tels que Abraham Govaerts et Daniel Seghers. On lui doit de nombreux
tableaux de fleurs, genre dans lequel il excellait, ainsi que des compositions
bibliques. Ami de Rubens, il collabora avec lui, peignant des fleurs et des
paysages pour ses Madones ˆ la guirlande. Son atelier continuera ˆ prospŽrer avec son fils Jan Bruegel le
Jeune et les 5 fils de ce dernier, dont Abraham.
Les
Ïuvres sont souvent fondŽes sur des allŽgories tout ˆ fait codifiŽes. A la fin
du sicle et au XVIIe, les livres
d'emblmes circulent et sont largement utilisŽs par les artistes.
Cesare Ripa, Iconologia, 1593
Le premier du genre.
"La vue a pour symbole un jeune homme qui tient un vautour dans la main
droite (car c'Žtait l'oiseau que les Žgyptiens lui attribuaient, au rapport d'
Orus Apollo), et de la gauche un miroir, avec un arc en ciel derrire elle. Le
miroir signifie que cette illustre qualitŽ n'est autre chose qu'un emprunt que
fait notre Ïil, qui est resplendissant comme un miroir ou diaphane comme l'eau,
des formes visibles des corps naturels. É Ajoutez ˆ cela que par le vautour est
dŽnotŽe la subtilitŽ de la vue, et par l'arc en ciel, la diversitŽ des
couleurs, qui sont les objets des yeux.
L'ou•e
nous est reprŽsentŽe par une femme auprs de laquelle est couchŽe une biche, et
qui tient un luth de la main droite et de la gauche une oreille de taureau. Par
le luth est signifiŽe la douceur de l'harmonie, de laquelle on ne saurait
jamais bien juger si on n'a oreille bonne. Pour la biche, la subtilitŽ de ce merveilleux
sens qui est si particulire ˆ cet animal qu'ˆ la moindre feuille que le vent
Žbranle il prend la fuite, et a toujours l'oreille alerte. Par l'oreille de
taureau, il faut ou•r soigneusement et avec une diligence particulire ce qui
est nŽcessaire ˆ la durŽe et ˆ la conservation de nous-mmes. Suivant cela
quand les Žgyptiens voulaient dŽpeindre l'ou•e, ils la figuraient par l'oreille
du taureau, qui l'a toujours preste, et tendue aux mugissements que fait la
gŽnisse toutes les fois qu'elle est en amour.
L'odorat: sa peinture est celle d'un jeune garon, qui tient un vase de la
main gauche et de la droite un bouquet; outre qu'ˆ ses pieds se voit un chien
de chasse qui les suit partout, et qu'il a la robe semŽe de toutes sortes de
fleurs. Le bouquet signifie l'odeur naturelle, le vase celle que l'on tire des
liqueurs par l'art de la distillation. Quant aux fleurs de la robe, et au chien
de chasse, ce sont choses qui n'ont pas besoin d'explication, puisqu'on sait
assez que l'un et l'autre sont les symboles de l'odorat.
Le gožt
est reprŽsentŽ par une femme qui de la main gauche tient une pche et de la
droite un panier rempli de toutes sortes de fruits. Le gožt est celui des cinq
sens du corps qui se laisse le plus souvent tromper par une fausse image des
choses bonnes en apparence, mais mauvaises en effet quand on y apporte de
l'excs É on le peint portant divers fruits pour ce que les Anciens le
prenaient pour un symbole du gožt, et particulirement la pche qu'on lui fait
tenir pour cette mme raison.
L'attouchement a pour symbole une femme dont le bras droit est tout nu, et sur la
main gauche de laquelle un faucon Žtend ses ailes. A ses pieds est une tortue,
figure hyŽroglifique de l'attouchement, comme le faucon en Žtait un autre,
ainsi que nous avons dit ci-devant.
É Cela
n'empche pas nŽanmoins qu'on ne puisse reprŽsenter encore chaque sens en
particulier. Comme par exemple on peut attribuer ˆ la vue pour symbole une
guirlande ou un bouquet de fenouil, ˆ cause que cette herbe Žclaircit les yeuxÉ
A l'ou•e un rameau de myrte, pour ce que l'huile qui est tirŽe de ses feuilles
purge les oreillesÉ A l'odorat la rose, d'autant qu'elle est la plus odorante
des fleurs. Au gožt une pomme; et ˆ l'attouchement une hermine ou un hŽrisson,
pour en dŽnoter les fŽcondes qualitŽs diffŽrentes, qui sont le rude et le doux,
la premire Žtant douce naturellement, et l'autre piquante."
Cesare Ripa (vers 1555
-1622). En 1593, il fait para”tre le recueil d'allŽgories, Iconologia,
publiŽe ˆ Rome et dŽdicacŽe
au cardinal Salviati. L'Ïuvre, destinŽe aux potes, peintres et sculpteurs,
pour les aider ˆ reprŽsenter les vertus, les vices, les sentiments et les
passions humaines, est une encyclopŽdie o sont prŽsentŽes par ordre
alphabŽtique des allŽgories telles que la Paix, la LibertŽ ou la Prudence,
reconnaissables aux attributs et aux couleurs symboliques. Ce livre d'emblmes
sera extrmement influent ˆ son Žpoque et souvent rŽŽditŽ.
Frans Francken II le Jeune (1581-1642), Les 5 sens
Reprend
en les simplifiant les attributs dŽsignŽs par Ripa. 5 femmes autour d'une table
sur laquelle les attributs divers. De gauche ˆ droite: l'une d'elles mange et a
devant elle des nourritures diverses (Gožt), la deuxime tient perchŽ sur sa
main droite un faucon (Toucher), la troisime a devant elle une corbeille de
fleurs et en respire une (Odorat), la quatrime se regarde dans un miroir
(Vue), la cinquime enfin joue du luth et a sur la table un recueil de
partitions (ou•e).
Artiste le
plus connu et le plus productif de la dynastie, dont l'Ïuvre est bien
documentŽe par des peintures signŽes et datŽes. Frans le Jeune a
vraisemblablement reu sa formation dans l'atelier de son pre Frans I; il
devient franc-ma”tre ˆ la gilde de Saint-Luc d'Anvers en 1605 et doyen en 1615.
Sa spŽcialitŽ consiste en tableaux de format rŽduit et animŽs de petites
figures, au contenu allŽgorique: ˆ travers les Ïuvres d'art, en particulier les
tableaux d'histoire, le collectionneur et le spectateur sont amenŽs ˆ
reconna”tre Dieu crŽateur du monde, et ˆ gagner par ce moyen le salut de leur
‰me.
Lorenz Strauch (1554-1630), AllŽgorie de l'odorat - AllŽgorie de
l'ou•e
Une manire simple et raffinŽe, sans intention moralisatrice,
d'Žvoquer les sens, dans une sŽrie en partie disparue, par la beautŽ et
l'ŽlŽgance de jeunes femmes ˆ mi-corps avec de simples attributs: fleur et
chien pour l'odorat, instrument de musique pour l'ou•e.
Peintre
allemand. FormŽ par son pre, Hans Strauch, comme beaucoup de jeunes
portraitistes de sa ville, il fut influencŽ par le style raffinŽ de Nicolas
Neufchatel, artiste flamand qui domina le portrait local de 1561 ˆ 1573. Les
portraits de Strauch sont faits exclusivement pour une clientle locale de
nobles et d'artisans. Il excelle dans la reprŽsentation des bijoux et des
vtements.
XVIIe SIéCLE: REFORME ET CONTRE-REFORME, l'austŽritŽ
Le
thme est utilisŽ aussi bien dans la peinture de genre (souvent moralisatrice)
que dans les Natures Mortes.
Pour
l'art des Pays-Bas, c'est un sujet de prŽdilection. Les peintres de genre
flamands prŽsentent dans leurs scnes de cabaret des buveurs (le Gožt), des
fumeurs de pipe (l'Odorat), des chanteurs accompagnŽs par un violoneux
(l'Ou•e), un homme enlaant la taille d'une femme, ou un chirurgien pratiquant
une saignŽe (le toucher). Les compositions peuvent
faire appel ˆ des allŽgories tout ˆ fait codifiŽes. Subsiste un code animal (cerf /ou•e, aigle ou chat /vue,
chien/odorat, singe/gožt, tortue/ toucher). Des objets peuvent tenir le mme
r™le : le miroir pour la vue, les fleurs
pour lÕodorat, les instruments de musique pour lÕou•e, les fruits ou le vin
pour le gožt, les dŽs, les cartes, l'argent ou une statuette pour le toucher.
Mais
bien souvent lÕensemble devient le
support dÕune mise en garde contre les dangers des plaisirs terrestres, quÕils
soient esthŽtiques, ludiques, sensuels ou Žrotiques. Et particulirement dans
les natures mortes ditesVanitŽs,
ces illustrations du texte de LÕEcclŽsiaste, qui
sont toujours une mise en garde contre les sens,
coupables de bien des Žgarements et qui mnent tout droit au vice. AustŽritŽ
mŽtaphysique dont s'empareront aussi bien la RŽforme que la Contre-RŽforme.
1- Natures mortes:
Jacques Linard (vers 1600-1645), Les cinq sens au paysage, 1638
Les cartes ˆ jouer, une bourse et des pices de monnaie rappellent
que le toucher, acteur privilŽgiŽ du jeu, peut compromettre le salut de lÕ‰me.
Paysage et petite glace qui reflte la grenade ouverte sont pour la vue, les
fleurs pour l'odorat, les partitions pour l'ou•e. le vase de fruits (gožt) est
posŽ sur une bo”te oblongue de bois. Bo”te qui Žvoque le tombeau du Christ, de
mme que la figue illustre le pŽchŽ originel, tandis que la grenade et le
raisin se rŽfrent ˆ la rŽsurrection et ˆ l'Eucharistie. Par ailleurs, le livre
de musique est ouvert ˆ la page du Laudate Dominum.
Les cinq sens et les quatre ŽlŽments
Les racines et plantes renvoient ˆ la terre, lÕoiseau ˆ lÕair, les
braises au feu, et les divers ŽlŽments liquides ˆ lÕeau. Les cinq sens, quant ˆ
eux, sont illustrŽs par les fleurs pour lÕodorat, le miroir pour la vue, les
notes de musique pour lÕou•e et enfin le toucher par les instruments de musique
et le rendu des diffŽrentes textures.
Jacques
Linard est, ˆ ce jour, lÕun des peintres de nature morte du XVIIe sicle les
mieux documentŽs, avec une quarantaine dÕÏuvres. Il est particulirement
reprŽsentatif de ces artistes qui exeraient leur art dans lÕenclos de
Saint-Germain-des-PrŽs, lequel nÕŽtait pas soumis aux lois restrictives des
corporations rŽgissant la vie artistique ˆ Paris.
Lubin Baugin (vers 1610-1663), Les
5 sens
Objets simples: un luth, une verre de vin, un petit pain, trois fleurs
dans une carafe transparente, un Žchiquier, un miroir (aveugle), un paquet de
cartes. Concentration dans la simplicitŽ qui renvoie le spectateur ˆ
dÕŽlŽmentaires principes bibliques.
On
lui doit en partie l'Žmergence de la nature morte en France dans la premire
moitiŽ du XVIIe sicle. D'influence flamande par le parti pris de
dŽpouillement, de jeux sur les formes et les textures. Aprs son dŽpart pour
l'Italie autour de 1640, il ne peindra plus de natures mortes pour ce
concentrer principalement sur les scnes religieuses.
Georg Flegel (1566-1638), Nature morte au dessert
On retrouve un Ïillet pour l'odorat, des fruits pour le gožt, un
oiseau pour l'ou•e, des pices de monnaie pour le toucher et un verre pour la
vue. La noix est symbole de JŽsus Christ, l'Ïillet symbole de la crucifixion,
raisin et vin reprŽsentent le sang du Christ. Le rat et le perroquet sont les
deux faces du mal et du bien: le premier, diable dŽvorateur, est symbole du
mal,tandis que le second, parce que, selon les bestiaires mŽdiŽvaux, il est un
animal "trs propre", est associŽ ˆ JŽsus Christ et ˆ la Vierge
Marie, tous deux exempts du pŽchŽ originel.
ConsidŽrŽ
comme l'un des reprŽsentants les plus Žminents de l'art de la nature morte en
Allemagne. Il se spŽcialisa dans les banquets et dŽjeuners ainsi que dans les tableaux de fleurs.
Pieter Claesz (1597-1661), Nature morte aux 5 sens
Nourriture et boisson se rŽfrent au gožt, le miroir ˆ la vue, les
instruments de musique ˆ l'ou•e, le rŽchaud ˆ l'odorat, la tortue au toucher.
Outre ces symboles, la VanitŽ se manifeste dans la montre (Žcoulement du temps) et le pain et le
vin sont sans doute Žvocation de l'Eucharistie.
Un
des bons reprŽsentants de la peinture de natures mortes hollandaise. Il traita
surtout des Tables servies, dont
les objets varient peu: nappes blanches, pots d'Žtain, verres ˆ cabochons ou
flžtes, jambon, fruits, pain, tourtes, etc.
2-
Scnes de genre:
-
Les scnes dites "de joyeuse compagnie", d'inspiration flamande, reprŽsentent des
groupes de personnages ŽlŽgants, attablŽs et jouant de la musique. Les sujets
en sont traditionnellement bibliques, comme celui du Fils Prodigue dans une
taverne. Elles illustrent les excs. Les dŽcors souvent irrŽalistes, les excs
des costumes et comportements en soulignent l'aspect thŽ‰tral et emblŽmatique.
L'enfant prodigue chez les courtisanes, allŽgorie des 5 sens
(XVIe)
Le Tasse chez les courtisanes, allŽgorie des 5 sens
Toujours la parabole de l'enfant prodigue. Mais o est le Tasse,
Est-ce le jeune homme de gauche, ou le personnage mŽditatif du centre? Pour les
sens, on repre la vue (chat sous la table), le toucher (groupe de gauche avec
la diseuse de bone aventure, l'homme en armure, etc.), le gožt (vin et
volailles embrochŽes), l'ou•e (musiciens), l'odorat (coiffure fleurie).
Ludovicus Finson (vers 1578-1617), Les cinq sens
Le gožt: buveurs de vin, fruit dans la main de la femme centrale,
deux assiettes dont une de
sucreries. Ou•e: instruments de musique. Odorat: fleurs dans la main de l'homme
de droite et le dŽcolletŽ de la femme du centre.Toucher: cordes du luth,
tambourin, mains de l'homme au premier plan ˆ l'extrme-droite. Vue? Les
reflets, peut-tre, et le jeu des regards?
Artiste
flamand, il sŽjourne en Provence entre 1613 et 1615. Sa peinture rŽunit les
ŽlŽments du maniŽrisme du XVIe ˆ des ŽlŽments stylistiques du Caravage
Simon de Vos (1603-1676)
AllŽgorie des 5 sens, 1640
Peintre
flamand d'histoire, de genre et de portraits. Elve de Cornelis de Vos, sans
doute un parent, reu ma”tre dans la guilde d'Anvers en 1620. Il entre ensuite
dans l'atelier de Rubens comme collaborateur.
-
Les scnes de bordels et de tavernes sont difficiles ˆ distinguer, la diffŽrence n'Žtant pas grande
entre les deux Žtablissements, car les servantes des tavernes Žtaient toujours
prtes ˆ se livrer aussi ˆ la prostitution. Le tradition de ces reprŽsentations
existe depuis le XVIe sicle, apparue elle aussi, avec l'histoire biblique du
Fils Prodigue.
Ecole flamande du XVIIe (ou Terbrugghen?), les 5 sens
Un r™le prŽpondŽrant est donnŽ ˆ l'ou•e, personnifiŽe par le
musicien ˆ la cithare, instrument ˆ cordes trs prisŽ alors dans la haute
bourgeoisie. Les personnages reprŽsentent chacun un des 5 sens: outre l'ou•e,
le gožt (Bacchus), l'odorat (la
femme avec les fleurs), la vue (le miroir), le toucher (le vieillard qui se
chauffe les mains).
David Ryckaert III dit le Jeune (1612-1661), Joueur de guitare,
1641
Le chapeau ˆ plume dŽsignerait la femme comme une prostituŽe. Elle
boit (gožt), fume (odorat), touche l'homme de sa pipe (toucher), lequel joue de
la guitare (ou•e). Seule la vue est oubliŽe, mais elle peut avoir ŽtŽ
reprŽsentŽe dans une partie coupŽe du sol.
Peintre
flamand, membre d'une famille d'artistes et Žlve de son pre, fit toute sa
carrire dans sa ville natale d'Anvers. Son Ïuvre est influencŽe par Adriaen
Brouwer et les deux David TŽniers (le Vieux et le Jeune). Hors quelques Ïuvres
religieuses, ses sujets sont essentiellement des scnes paysannes et des
Natures mortes
-
ExtŽrieurs et kermesses
Gillis Rombouts (1630-1678), AllŽgorie des 5 sens, vers 1620
Curieuse mise en scne de types populaires devant une architecture ˆ
colonnades et une draperie sophistiquŽe, le tout devant un paysage. De gauche ˆ
droite: la vue (le miroir prs du vieillard qui porte la main ˆ ses yeux),
l'ou•e (le musicien), le toucher (le sculpteur), l'odorat (le fumeur de pipe)
et le gožt (le verre de vin et les lŽgumes et fruits du dernier convive,
peut-tre Bacchus Žtant donnŽ son vtement en peau de lŽopard). Si morale il y
a, elle tient peut-tre simplement ˆ l'Žvocation de fragilitŽ induite par les
objets renversŽs du premier plan ˆ gauche, reflŽtŽs dans le miroir.
D'origine
flamande, travaille en Hollande ˆ des scnes d'intŽrieur, et des paysages dans
la manire de Ruysdael et Hobbema. Ma”tre ˆ Haarlem en 1656.
Jan Miense Molenaer (v. 1610-1668), scne d'extŽrieur
Le gožt est reprŽsentŽ par la nourriture et la boisson, l'odorat par
la pipe et le chien, le toucher par l'enfant caressant le chien, l'ou•e par le
musicien, la vue par les spectateurs, aux fentres, de la scne.
AllŽgorie de la tempŽrance (ou de la fidŽlitŽ conjugale), 1633
Un jeune couple (ˆ droite) Žcoute des musiciens. Au centre, un homme
remplit un verre de vin avec un rŽcipient au long bec: le filet de vin ainsi
ma”trisŽ est un symbole traditionnel de la tempŽrance. En contraste, au fond ˆ
gauche, un pugilat met aux prises deux paysans (peut-tre pris de boisson),
illustration de la colre. La leon est simple: pour l'harmonie (symbolisŽe par
la musique) du couple, Žvitons la colre (l'un des pŽchŽs capitaux). Mais la
tempŽrance renvoie aussi ˆ la ma”trise des sens, tous reprŽsentŽs: l'ou•e
(musique), l'odorat (le chien), le gožt (guenon et son petit), le toucher
(femme lavant les verres), la vue (femme lisant la partition).
Peintre
nŽerlandais. Il travailla le plus souvent ˆ Haarlem o il fut l'Žlve de Frans
Hals, sauf aprs 1648, date ˆ laquelle il s'installa ˆ Amsterdam. Il peignit
quelques portraits, mais il est surtout connu pour ses scnes de genre,
influencŽes par son ma”tre. Dans ses intŽrieurs se manifeste surtout
l'influence d'Adriaen Van Ostade, ainsi que dans ses Ftes villageoises et ses
scnes musicales.
-
Les intŽrieurs et scnes de famille
Jan Miense Molenaer (v. 1610-1668), AllŽgorie de la vanitŽ
Le thme de la femme ˆ la toilette renvoie ˆ la fois ˆ la femme au
miroir et ˆ la bague et ˆ la vanitŽ, de par la prŽsence du cr‰ne. On y retrouve
la vue (miroir), le gožt (l'enfant avec une coupe), le toucher (le peigne),
l'ou•e (instruments de musique), l'odorat (chien? au premier plan).
David Teniers II, dit le jeune (1610-1690), RŽunion de famille
(les cinq sens)
Gožt: nourriture, boisson, singe. Ou•e: musicien. Vue: tableau au
mur. Odorat: chien. Toucher: la note Žgrillarde des deux personnages, ˆ
l'Žcart, ˆ droite.
A”nŽ
des 4 fils de David TŽniers le vieux, Žlve de son pre et peut-tre de Rubens
et Brouwer. En 1637 il Žpouse Anne Brueghel, fille de Jan Brueghel de Velours.
ProtŽgŽ de l'archiduc LŽopold Guillaume (nommŽ en 1647 gouverneur des
Pays-Bas), il deviendra peintre de sa cour, chambellan, conservateur de sa
galerie, et fut recommandŽ par lui ˆ plusieurs souverains. S'ensuit une
brillante carrire et un nombre d'Ïuvres considŽrable.
Hendrik Terbrugghen ou Hendrik Ter Brugghen (1588–1629), Le
concert, 1627
Le flžtiste, 1621
Le second n'est allŽgorie que de la musique. Le premier Žvoque les
cinq sens: vue (les regards en coin), gožt (fruits et vin), ou•e (musiciens),
odorat (bougie), toucher (doigts du flžtiste). Paralllement, noter que raisin
(seul fruit reprŽsentŽ) et vin peuvent tre allusion au sang du Christ.
Peintre
nŽerlandais. Terbrugghen est, avec Baburen et Honthorst, l'un des ma”tres du
caravagisme nordique. InstallŽ trs jeune ˆ Utrecht, il fut l'Žlve d'Abraham
Bloemaert, mais il partit presque aussit™t pour l'Italie, o il resta de 1604 ˆ
1614. Il sŽjourna principalement ˆ Rome et entra en contact avec Caravage et
ses Žmules, tel Orazio Gentileschi. Il emprunta ˆ Caravage les caractŽristiques
de son style (Žclairages artificiels, oppositions d'ombre et de lumire. En
1615, il est de nouveau ˆ Utrecht, o il est inscrit ˆ la gilde de Saint-Luc en
1616-1617. Terbrugghen peignit quelques scnes populaires, mais ses sujets
prŽfŽrŽs furent les Moments musicaux o il dŽcrit des musiciens ou des
musiciennes chantant seuls ou en duo, jouant de la flžte, du luth ou de la
cornemuse. Ces tableaux, influencŽs par les scnes caravagesques de Gentileschi
et surtout de Bartolomeo Manfredi, ou dŽrivŽs d'elles, rŽvlent un traitement
personnel du thme, souvent prŽsentŽ devant un fond clair.
Bartolomeo Manfredi (1582 -1622)
Les cinq sens sont bien lˆ: toucher (le baiser, la toque de
fourrure), odorat (la couronne de fleurs, gožt (fruits), vue (miroir), ou•e
(musicienne). En mme temps sont ŽvoquŽes les quatre saisons, printemps ˆ gauche
avec la couronne de fleurs, ŽtŽ ensuite, avec couronne de feuillage, automne,
femme "mžre" du premier plan coiffŽe d'Žpis, hiver, enfin, le
vieillard emmitouflŽ.
Peintre
italien du XVIIe sicle, l'un des grands disciples du Caravage dont il fut
peut-tre l'Žlve ou, en tout cas, un des Žmules de son style innovant, avec
son clair-obscur soutenu, et son insistance sur le naturalisme, avec un don
pour raconter une histoire ˆ travers l'expression et le langage corporel de ses
personnages.
Artiste
ˆ succs, ayant avant ses trente ans un serviteur attachŽ ˆ sa personne,
Manfredi fut Ç un homme d'apparence distinguŽe et au comportement raffinŽ È,
selon son biographe Giulio Mancini, bien que rarement sociable. Il mena sa
carrire avec des clients privŽs et ne rechercha pas les commandes publiques.
2e MOITIƒ XVIIe, XVIIIe: le
plaisir
Les sens sont les compagnons dangereux mais aussi dŽlicieux de la
raison et lÕinventaire des nouvelles richesses engendre, de son c™tŽ, des
trŽsors de sensualitŽ. Un mouvement sÕamorce au milieu du XVIIe sicle qui
transforme la nature morte en une vŽritable cŽlŽbration des sens. SomptuositŽ
des coloris, chatoiement des Žtoffes de brocart, de velours ou de soie,
luxuriance des bouquets de fleurs, amoncellement de mets dŽlicats, ou description
de joyeuses et robustes nourritures sur des Žtals de marchŽ, la peinture se
plait ˆ montrer la prospŽritŽ dÕun monde Žlargi.
Le thme des cinq sens est alors l'objet dÕune attitude
paradoxale. DÕun c™tŽ, lÕŽgarement des sens est condamnŽ par la morale. De
lÕautre, ceux-ci sont exaltŽs par
une recherche plastique toujours plus poussŽe de la sensualitŽ.
1- Nature morte
Jan II de Heem (?1650- ?1695), Nature Morte aux fleurs (VanitŽ),
1685
Sur le papier, l'inscription "la mre est lˆ o se trouve le
pre" signifie peut-tre "la mre existe quand le pre n'est
plus", et serait allusion ˆ la mort de pre de l'artiste et ˆ son
remplacement par la mre dans la gestion des affaires. La composition dŽcentrŽe
met en valeur papier et inscription.Verre et vase refltent les objets du
tableau et de l'atelier. En hommage ˆ son pre, ma”tre de la Nature Morte
hollandaise, des citations de ses grandes compositions: le motif qui unit
l'apparat des fleurs au thme de l'Žcoulement du temps, le jeu des reflets, et
certains ŽlŽments comme les cerises (fruit de l'Eden). Les symboles de la
fugacitŽ des choses (fleurs, bougie, pipe), l'hu”tre (Marie, mre de la plus
belle perle), le verre de vin (sang du Christ), les deux oranges (? PŽchŽ
originel) font de cette Ïuvre une VanitŽ, mais les sens sont tout aussi
prŽsents: l'odorat avec les fleurs, la pipe et la bougie, la vue avec les
reflets, le toucher avec les diffŽrentes matires, en particulier le tissu des
draperies.
Elve
de son pre David de Heem l'ancien, travaille de 1626 ˆ 1636 ˆ Leyde, sous
l'influence de ses frres Steenwyck et Pietre Potter. Puis il travaillera ˆ
Anvers sus l'Žgide de Daniel Seghers.
Andrea Benedetti (? avant 1620-? aprs 1649/1650), Nature morte
avec fruits homard, hu”tres, gibier, instruments de musique et singe, 1646
VanitŽ? Cinq sens? Peut-tre, bien que le titre ne mentionne ni
l'une ni les autres. Mais comme dans beaucoup de Natures mortes, les deux sens
se confondent. Relvent de la vanitŽ le singe (mal), la montre et la peau
dŽroulŽe du citron (temps), le homard, symbole de rŽsurrection car sa carapace
se renouvelle ˆ la fin de l'hiver, le raisin et le vin, symboles
eucharistiques, les instruments de musique (fugacitŽ). La prŽsence des sens est
tout aussi Žvidente: singe et nourriture pour le gožt, instruments de musique
pour l'ou•e, chien pour l'odorat, l'opposition dur/doux du homard et du lapin
pour le toucher, et pour la vue les reflets dans le verre. Mais la somptuositŽ
baroque de la prŽsentation Žclipse toutes les significations morales.
Peintre
de natures mortes. En 1636/1637, il est l'Žlve du peintre anversois Vincent
Cernevael; il serait peut-tre aussi celui de J.D. de Heem en 1638.
Ma”tre
de la gilde de Saint-Luc d'Anvers en 1640/1641, il est prŽsent dans cette ville
jusqu'en 1649/1650, et peut-tre aprs cette date est-il retournŽ en Italie.
Trois VanitŽs signŽes sont
connues. Par analogie de style, on lui attribue actuellement une quinzaine de
natures mortes.
Benedetto Fioravanti (actif ˆ Rome au milieu du XVIIe)
La tradition symbolique de la nature morte se perpŽtue dans cette
somptueuse ordonnance dŽcorative, exaltation des cinq Sens comme images des
vanitŽs du monde. Fioravanti rend admirablement les fastes du baroque, et les
analogies de style et de composition sont multiples dans son Ïuvre. Cependant,
une Žcriture trop appliquŽe et la maladresse des plis du rideau on fait mettre
en doute l'attribution de ce tableau ˆ Fioravanti lui-mme.
Brejon
de LavergnŽe (1994) a fait le point des connaissances sur le peintre et sur cette
Ïuvre quÕil attribue ˆ son entourage. Peintre de natures mortes ˆ Rome au XVIIe
sicle, excellent dans la reprŽsentation fidle des "choses
inanimŽes".
Evaristo Baschenis (1617-1677), nature morte avec femme
Baroque
vŽnitien. NŽ dans une famille dÕartistes et ami dÕune famille notable de
luthiers de CrŽmone, on ignore qui fut son premier ma”tre. Connu pour ses
natures mortes, il peut tre regardŽ comme le crŽateur de son genre, la
peinture des trophŽes dÕinstruments et des cahiers de musique, mlŽs dÕŽcritoires,
de bo”tes, de fruits, dÕencriers et autres objets arrangŽs sur des tables
couvertes des plus beaux tissus, avec une vŽritŽ Žtonnante.
Bernardo Germ‡n y Llorente (SŽville 1680–id. 1759), Le
tabac, Le vin
Ces deux natures mortes en trompe-l'Ïil (le Tabac et le Vin,
allŽgories de l'odorat et du gožt, Louvre), par la plasticitŽ du traitement et
la disposition des objets dans l'espace, renouvellent la grande tradition
espagnole.
Parmi
les imitateurs tardifs de Murillo, il appara”t comme l'un des plus douŽs. Il
devint populaire gr‰ce ˆ son interprŽtation picturale d'un thme dŽvot lancŽ au
dŽbut du XVIIIes par un capucin, frre Isidoro de Sevilla, et qui se rŽpandit
trs vite dans toute l'Espagne : celui de la "Divina Pastora", la
"Vierge bergre" avec un grand chapeau de paysanne veillant sur un
troupeau de jeunes agneaux (Prado). Il peignit avec le mme succs des
saintes et des sujets religieux
variŽs. Il fut aussi estimŽ comme portraitiste, et fut l'un des premiers
membres de l'AcadŽmie de S. Fernando (1756).
2-
Scnes de genre
Hermann van Aldewereld (1629-1669), AllŽgorie des cinq sens
(1651)
De gauche ˆ droite: la vue - femme se regardant dans un miroir et
mettant ses boucles d'oreille (vanitŽ?), l'ou•e (musicien ˆ la harpe),
l'odorat (fleurs), le toucher
(femme au faucon), le gožt (fruits
sur la table).
Hollandais.
Plut™t artiste amateur, il s'appliqua au genre du portrait.
Abraham Bosse (1604-1676), les 5 sens (sŽrie de gravures), la vue
(vers 1645)
La vue est symbolisŽe de manire simple et Žvidente: toilette avec
miroir, enfant avec une longue vue ˆ la fentre. Par d'intention morale
apparente, hors le fait que le miroir est ˆ peu prs toujours symbole ˆ double
sens.
Abraham
Bosse, nŽ ˆ Tours en 1604 et mort ˆ Paris en 1676, membre de l'AcadŽmie royale
de peinture et de sculpture, fut l'un des meilleurs graveurs franais du XVIIe
sicle. ThŽoricien de la gravure, prosŽlyte des mŽthodes projectives de
l'architecte et gŽomtre Girard Desargues, son Ïuvre est un emblme de l'art
baroque franais.
Anthonie Palamedesz (1601-1673), La vue
L'Ïuvre fait partie d'une sŽrie (cf. plus loin) qui prŽsente chaque
fois un personnage unique, de manire trs sobre, voire rudimentaire, dans un
intŽrieur pratiquement nu, avec les attributs symboliques de l'un des cinq
sens. Ici, la vue, avec le miroir.
Fils
d'un graveur en pierres fines, il entre en 1621 dans la guilde de Delft. En
dehors de portraits assez stricts, il reprŽsenta des scnes de corps de garde
et des tableaux de genre ˆ intention moralisante.
GŽrard de Lairesse (1641-1711), AllŽgorie des 5 sens, 1668
La fillette au bouquet personnifie l'odorat (de mme que les fleurs
rŽpandues un peu partout), l'enfant jouant du triangle l'ou•e (ainsi que la
flžte et les partitions), celui qui dŽsigne le miroir la vue, la jeune femme
tenant un perroquet le toucher, la jeune fille au citron et le singe (ˆ droite)
le gožt.
Peintre
et graveur hollandais. Eut pour ma”tre son pre RŽnier Lairesse, puis Bertholet
FlŽmalle. Hors un sŽjour mouvementŽ ˆ Berlin vers sa vingtime annŽe, il ne
quitta pas les Pays-Bas. En 1664 il est ˆ Amsterdam, se marie, et en 1684,
s'installe ˆ La Haye o il mnera une vie dŽrŽglŽe. CŽlbre et soutenu par les
princes Žlecteurs de Cologne et de Brandebourg, il devint aveugle ˆ 50 ans et
mourut dans la misre.
Philip Van Dyck (1680-1753), Les cinq sens
Au premier plan, hors cadre, l'instrument de musique tr™ne, donnant
ˆ l'ou•e une place privilŽgiŽe. Dans l'embrasure, un groupe de personnages au
fond de la pice (apparemment sans signification particulire). Au premier
plan, ˆ gauche, une jeune femme prŽsente une assiette de friandises et dŽsigne
du doigt le duo de droite: sans doute illustre-t-elle le gožt et la vue. A
droite, le toucher (gestes de l'homme), le gožt et l'odorat (la friandise proposŽe
ˆ la femme, et situŽe de manire ˆ tenter et le nez et la bouche). Sur le mur
du fond, un tableau illustre Žgalement la vue.
Hollandais,
Žlve de Arnold Boonen, il fut peintre ˆ la cour du landgrave Guillaume VIII de
Hesse Cassel.
Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), la vue
En 1749, la reine dŽcida qu'il lui fallait 5 peintures pour dŽcorer
une pice sans fentres. Elle les voulait trs vite, et aprs plusieurs
propositions d'artistes, c'est finalement Oudry qui fut chargŽ de les peindre
et il exŽcuta trs rapidement les Cinq sens. Les Ïuvres ont en commun des cieux
lumineux et dŽgagŽs, un horizon brumeux et lointain. La vue propose dans un
"paysage pastoral" un montreur de lanterne magique dans l'orifice de
laquelle une jeune femme regarde.
Fils
d'un peintre et marchand de tableaux, il est ŽlevŽ dans une atmosphre o l'art
est le souci premier. Elve de son pre puis de Michel Serre auprs de qui il
travaille 4 ans ˆ Marseille. Mais son vrai ma”tre sera Nicolas de Largillire,
chez qui il demeure pendant 5 ans, partageant ˆ la fois sa table et son
atelier, ce qui va lui valoir de puissants appuis. D'o une carrire brillante
et l'aisance matŽrielle. Il obtient mme l'amitiŽ de Louis XV gr‰ce aux
portraits des chiens de sa meute et deviendra le peintre officiel des chasses
royales.
XIXeSIECLE: le prŽtexte
Le
thme tombe en dŽsuŽtude au XIXe sicle, et dispara”t
avec lÕimpressionnisme.
Seuls l'utilisent les artistes acadŽmiques, comme simple prŽtexte
ˆ l'Žtalage de beautŽ et de culture. La nature morte,
qui Žtait son support principal, est surtout objet de recherches esthŽtiques.
David E.J De Noter (1825-1912? 1892? 1875?), Dame dans un
intŽrieur ŽlŽgant
Ici, la lecture du livre Žvoque la vue. On a aussi des fruits pour
le gožt, des fleurs pour l'odorat, des chiens ˆ poil doux pour le toucher.
Dans chacun de tableaux, un sens est privilŽgiŽ, mais on trouve
aussi ˆ titre secondaire la plupart des autres.
Femme dans un intŽrieur
Odorat (fleurs), gožt (corbeille de fruits), vue (miroir), ou•e
(luth), toucher (gestes de la femme qui tient miroir et fleur).
Le gožter (gožt)
Et le toucher (femme tenant sa tasse), la vue (miroir ou tableau sur
le mur de gauche), l'odorat (? Corbeille de fleurs).
Fragrent rose (odorat)
Le titre dit assez que l'odorat est privilŽgiŽ, mais sont Žgalement
prŽsents le gožt (corbeille de fruits tourte) et la vue (miroir et fentre ).
Fils
de J.B. De Noter. Graveur et peintre de natures mortes et de fleurs... Etabli ˆ
Bruxelles, il prend part au salon de Paris en 1853, 1855 et 1864 et remporte
une mŽdaille d'or au salon de Bruxelles en 1854. Il collabore avec H. Leys,
peignant les ŽlŽments de nature morte dans des tableaux de ce dernier
Hans Makart (1840 – 1884), Les cinq sens.
De gauche ˆ droite: toucher, ou•e, vue, odorat, gožt
Autrichien.
Fils d'un intendant impŽrial. Elve ˆ l'AcadŽmie de Vienne, il en est exclu
comme n'ayant aucune disposition. Son oncle maternel lui donne alors les moyens
d'aller Žtudier ˆ Munich sous la direction de Piloty.En 1868, il est remarquŽ
lors d'un salon et en 1869 l'empereur d'Autriche lui fait construire par l'Etat
un atelier. DorŽnavant il a droit ˆ tous les honneurs et sa mort en pleine
gloire lui devra des funŽrailles nationales.
NB- il a ŽtŽ le ma”tre, entre autres, de Gustav Klimt.
Au XXe sicle finissant et au XXIe sicle,
les
sens sont largement sollicitŽs, installations visuelles, sonores ou tactiles,
jardins de parfums, musŽes du vin, recherches de saveurs É
IMAGES, RECAPITULATIF
TOTALITE
DES 5 SENS
SŽbastien Stoskopff, L'ŽtŽ ou les 5 sens (vers 1633)
Le miroir est la vue, et l'un de ses volets est refermŽ pour Žvoquer
l'aspect transitoire de la beautŽ, les pches sont le gožt, les fleurs
l'odorat, les instruments de musique et partitions l'ou•e, le damier et les dŽs
le toucher.
L'hiver ou les 4 ŽlŽments
Lorsque Sebastien Stoskopff peint, en 1633 LÕƒtŽ ou les Cinq Sens, il prŽsente son pendant, LÕHiver
ou les Quatre ƒlŽments: le feu (la cheminŽe),
la terre (lŽgumes et racines), l'eau (poisson), l'air (oiseaux). Si les motifs
sont allŽgoriques, l'ensemble appara”t surtout comme une scne d'intŽrieur,
voire une nature morte ˆ personnages.
Les bouleversements Žconomiques et philosophiques ˆ lÕÏuvre aux XVIe
et XVIIe sicles exercent une influence dŽcisive sur lÕexpression artistique.
La dŽcouverte du Nouveau Monde, les inventions de la science suscitent
enthousiasme et curiositŽ. On montre, on classe, on inventorie. Le rŽel doit se
plier au genre des sŽries.
Ë c™tŽ des cinq sens prennent place les quatre parties du monde, les
quatre points cardinaux, les quatre vents, les quatre ŽlŽments, les quatre
saisons et les quatre ‰ges de lÕHomme, mais aussi les huit BŽatitudes, les neuf
muses et les douze mois de lÕannŽeÉ
De
famille protestante strasbourgeoise, SŽbastien Stoskopff est en 1615 en
apprentissage ˆ Hanau, chez Daniel Soreau. Ë la mort de son ma”tre, le jeune
peintre dirige lÕatelier. Aprs avoir cherchŽ vainement ˆ sÕinstaller ˆ
Francfort, il se rend ˆ Paris. Ds son arrivŽe ˆ Paris, SŽbastien Stoskopff
oriente son art dans de nombreuses directions et aborde des thmes aussi variŽs
que les natures mortes de livres, les cinq sens, les vanitŽs, les tables
servies et des cuisines trs originales qui sÕinscrivent parfaitement dans
lÕŽvolution de la production parisienne de Jacques Linard, Lubin Baugin et
Louise Moillon avec lesquels il entretient des relations Žtroites.
LÕoriginalitŽ des Ïuvres de Stoskopff rŽside nŽanmoins dans leur composition et
dans le traitement particulier de la lumire.
Carlo Cignani (1628-1719), CharitŽ en allŽgorie des 5 sens,
1668-1679
La CharitŽ allaite un bŽbŽ et s'occupe d'enfants nŽcessiteux. La
prŽsence des enfants met en lumire que la CharitŽ possde aussi la Foi et
l'EspŽrance (les 3 vertus cardinales). Elle serre les enfants (toucher),
allaite le nourrisson (gožt), le miroir ˆ droite symbolise la vue, la
clochette, ˆ gauche, l'ou•e, tandis que les fleurs reprŽsentent l'odorat. La
prŽsence des vertus chrŽtiennes incarnŽes dans la CharitŽ garantit la valeur
positive des cinq sens.
Peintre
italien baroque des XVIIe et XVIIIe sicles appartenant ˆ l'Žcole bolonaise.
NŽ
d'une famille noble de Bologne, Carlo Cignani Žtudie auprs de Battista Cairo
et plus tard de Francesco Albani, avec qui il restera Žtroitement liŽ, en
devenant son disciple le plus cŽlbre. Il a ŽtŽ Žgalement fortement influencŽ
par le gŽnie du Corrge, et son chef d'Ïuvre, l'Assomption de la Vierge dans la
coupole de l'Žglise de Madonna del Fuoco ˆ Forl“, est inspirŽ par les fresques
du Corrge pour la coupole de la cathŽdrale de Parme. Ces fresques ont occupŽ
Cignani pendant plus de vingt ans.
En
1681, il retourne de Parme ˆ Bologne o il ouvre une AcadŽmie du nu, dans
laquelle il a comme Žlve Giuseppe Maria Crespi. Il s'installe ˆ Forli en 1686.
C'est dans cette ville qu'il meurt le 6 septembre 1719.
SERIES
Anthonie Palamedesz (1601-1673), ou•e, odorat, toucher, gožt
Pour l'ou•e, un joueur de luth, des instruments de musique, un
recueil de partitions.
Pour l'odorat, un fumeur de pipe et un chien.
Pour le gožt, une femme allaitant, des fruits sur la table.
Pour le toucher, un paysan tenant une poule.
Abraham Bosse (1604-1676), les 5 sens, sŽrie de gravures: l'ou•e,
l'odorat, le gožt, le toucher
L'ou•e est reprŽsentŽe par un concert, pour l'odorat, des
personnages hument le parfum de bouquets, le gožt est un repas, le toucher une
scne Žgrillarde.
L'ensemble des gravures montre une sociŽtŽ choisie (et ses
plaisirs), sans intention morale apparente.
Jan Bruegel l'ancien, dit de Velours (1568-1625), 5 sens
Il termine en 1618 une sŽrie qui est une cŽlŽbration des sens comme
fondement des arts. Chaque tableau est campŽ dans une
Ògalerie des sensÓ, vŽritable cabinet de curiositŽs rassemblant tous les objets
se rapportant ˆ la facultŽ dŽcrite dans un Žtalage de luxe dŽbordant, un sommet
dans la collaboration de Rubens et de Brueghel. Dans ce cycle dÕun niveau
artistique et iconographique exceptionnel, les sens sont reprŽsentŽs dans
diffŽrents contextes courtois. La sŽrie est une traduction des sentiments des
archiducs Albert et Isabelle vis-ˆ-vis de lÕart, de la collection et du r™le
reprŽsentatif de la splendeur et du faste. Les intŽrieurs, restituŽs de manire
extraordinairement encyclopŽdique et dŽtaillŽe par Brueghel et ornŽs de figures
peintes par Rubens, sont dÕun luxe inou•. Les archiducs offrirent ces tableaux
ˆ Wolfgang Wilhelm de Palz-Neuburg, leur principal alliŽ au sein de lÕAlliance
catholique.
Le dernier, qui rŽunit les sens, prŽsente en outre le portrait des
souverains, et des objets scientifiques. Les sens: la vue (tableaux, longue
vue, lorgnon dans la main du singe), le toucher (statues, faucon, pices de
monnaie), l'odorat (chiens, vase et tableau de fleurs), gožt (singe).
Wenzel Hollar (Prague, 1607-Londres, 1677) SŽrie de dessins ˆ
l'encre brune et pierre noire
L'ou•e, l'odorat, le gožt, le toucher
En
1627 il s'installe ˆ Francfort, o il est l'Žlve de Matthaus Merian, puis
(1630) sŽjourne ˆ Strasbourg, Mayence et Coblence, o il rencontre Lord Thomas
Howard, comte d'Arundel (1586-1646), ambassadeur de Ferdinand II. Il rentre ˆ
Prague avec le comte d'Arundel, puis le suit ˆ Vienne, et en Angleterre o il
s'installe (1637) et travaille pour le roi Charles Ier. Suite ˆ la guerre
civile, il est arrtŽ en 1645, s'enfuit et retrouve ˆ Anvers le comte
d'Arundel. Il retournera en Angleterre en 1652 aprs la restauration de Charles
II.
L'oeuvre
gravŽ de Wenzel Hollar compte plus de 2000 pices : images religieuses, sujets
mythologiques, animaux, sujets historiques, portraits de personnes illustres,
caricatures, costumes, sujets de moeurs, topographie (Angleterre, Pays-Bas,
Suisse, Bohme, Maroc..). Il contribua ˆ introduire la technique de l'eau-forte
en Angleterre.
Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), gožt, odorat
L'intention allŽgorique des diffŽrentes scnes se devine aisŽment.:
la vue est symbolisŽe par une lanterne magique (cf. plus haut), le gožt par un
repas champtre, l'odorat par la cueillette des fleurs, l'ou•e par le son de la
musette rythmant une danse, le toucher par deux paysannes trayant leurs vaches
et un ‰nier tenant par la bride son animal en le menaant de son b‰ton.
Les Ïuvres ont subi des altŽrations (notamment leurs tailles
diffrent alors qu'ˆ l'origine elles Žtaient semblables) et sont en assez
mauvais Žtat.
SENS
SEPARES
OUìE
Hendrick Terbrugghen (1588-1629), Le concerto, allŽgorie de l'ou•e,
vers 1622
La femme, appuyŽe sur le lit dŽfait, montre qu'elle n'est pas lˆ
pour jouer du luth, qui n'est que le symbole de l'essence de l'ou•e. L'homme
tente d'attirer sa vue sur le violon. Une ambiance Žrotique baigne la
composition, en accord avec les instruments ˆ cordes qui renvoient aux rapports
amoureux.
VUE
La curiositŽ, ou les mŽfaits de la vue
Dominiquin, le 1581-1641, La chasse de Diane, 1614
L'une des plus reprŽsentatives de ses Ïuvres, inspirŽe dÕun thme
mythologique tirŽ de lÕEnŽide de Virgile. Elle
reprŽsente en fait un concours entre les nymphes, qui, par leurs postures,
dŽcomposent les mouvements du tir ˆ l'arc. Diane brandit un arc, un carquois et
un collier d'or destinŽs au vainqueur. L'objet de la compŽtition est un oiseau
attachŽ ˆ un pieu, selon un passage de l'EnŽide, et la flche qui lui
transperce l'Ïil est allusion aux dangers courus par les curieux (cf. ActŽon).
Les bergers font signe de se taire, pour Žviter que les nymphes souponnent
leur prŽsence. Les deux nymphes portant un daim blessŽ font allusion ˆ la
lŽgende d'ActŽon, puni pour sa curiositŽ.
Domenico
Zampieri, dit le Dominiquin, peintre italien, un des plus grands reprŽsentants
du classicisme bolonais. Sa formation acadŽmique au
sein de l'Žcole bolonaise, jointe ˆ une Žtude approfondie de l'art classique et
de l'Ïuvre de Rapha‘l, le conduit vers un nouveau classicisme, caractŽristique
du XVIIe sicle. La peinture, selon lui, doit tendre vers le "beau
naturel" ŽpurŽ et ennobli gr‰ce ˆ la clartŽ du dessin et ˆ une gŽomŽtrie
harmonieuse de la composition. Paralllement, il privilŽgie une conception de
la nature idŽalisŽe dans une sŽrie de peintures o le paysage joue un r™le
fondamental.
Simon Vouet, PsychŽ et Amour, 1626
La scne se rŽfre au moment central de l'histoire d'ApulŽe, lorsque
PsychŽ, mal conseillŽe par ses sÏurs, ne rŽsiste plus ˆ la tentation de
regarder son amant. La vue est le sens autour duquel se noue le drame. Pour
satisfaire sa curiositŽ, PsychŽ perdra l'objet de sa flamme.
Simon
Vouet (1590-1646), peintre franais, fait un long sŽjour en Italie (1612-27) au
cours duquel il s'intŽresse au naturalisme caravagesque, aux Bolonais Reni et
Guerchin, aux vŽnitiens, d'o son
style tempŽrŽ et classique. De retour en France, il adapte les nouveautŽs
italiennes au style dŽcoratif et aux idŽaux esthŽtiques de la sociŽtŽ Louis
XIII.
TOUCHER
Caravage (1573-1610), L'incrŽdulitŽ de saint Thomas, 1600-01
L'Ïuvre image avec exactitude les paroles de Thomas (Žvangile de
saint Jean): "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous et ne
mets pas le doigt ˆ la place des clous et n'enfonce pas ma main dans son c™tŽ,
je ne croirai pas." Elle se rŽfre au moment o JŽsus dit au saint:
"Porte ton doigt ici: voici mes mains; avance ta main et mets-la dans mon
c™tŽ, cesse d'tre incrŽdule et deviens un homme de foi." D'o le geste de
l'ap™tre, qui rend la composition emphatique.
ODORAT
Joos Van Craesbeeck (1606-entre1654 et 1661), Le fumeur, 1638
Introduit en Europe aprs l'exploration de l'AmŽrique, le tabac est
une dŽcouverte rŽcente, et est particulirement prisŽ dans la Hollande la
commerante d'alors. Son grand ar™me en fait le symbole de l'odorat. Le fumeur
utilise la pipe traditionnelle en pl‰tre et terre cuite, et le sujet fait
partie de la thŽmatique de l'artiste qui, comme son ma”tre Adiaen Brouwer,
s'attache ˆ la reprŽsentation de types populaires.
Peintre
de genre flamand. On ne sait rien de ses annŽes de jeunesse. Il appara”t en
1630 ˆ Anvers o il Žtudie chez Adriaen Brouwer, tout en exerant le mŽtier de
boulanger. En 1633-34 il est listŽ dans la guilde de Saint-Luc. Sa peinture est
trs influencŽe par Brouwer, dans le choix des sujets comme dans la facture,
avec une tendance plus bourgeoise.
GOUT
Annibal Carrache (1560-1609), Le mangeur de haricots, 1583-84
Mets simples et populaires, qui pourtant exaltent l'idŽe du gožt
(voire de l'odorat): verre de vin, pizza, pain, oignons, haricots. L'Ïuvre
reprend la thŽmatique d'origine flamande et prte une grande attention au type
populaire qui, en Italie, a grande faveur depuis le Caravage. Le personnage est
un paysan, un "vilain", aux mains salies de terre.
Fils
de tailleur, il commence trs t™t son apprentissage artistique. Il admire
Corrge, Titien, VŽronse. Ses premires Ïuvres datent de 1582, et d'ores et
dŽjˆ lui est reprochŽ ce qui sera la caractŽristique de son style: rŽalisme et
acadŽmisme, notions en principe contradictoires et qui pourtant dŽfinissent sa
manire.