REGARDS SUR LA PAYSANNERIE
L'image du paysan dans l'art a ŽvoluŽ en
fonction des mentalitŽs. Toujours reprŽsentŽ, mais sous des formes variables,
dans des Ïuvres dont le r™le est gŽnŽralement de valoriser et ennoblir une
fonction. Au XIXe sicle, les reprŽsentations vont s'en faire de plus en plus
nombreuses et de plus en plus "engagŽes", ˆ une Žpoque o
l'industrialisation conduit ˆ la dŽsertification des campagnes. Alors se pose
de manire plus crue la rŽalitŽ du travail de la terre et s'instaure une rŽflexion
sur "le geste auguste du semeur".
RAPPEL HISTORIQUE
1-
MOYEN AGE
Dans la sociŽtŽ
mŽdiŽvale, les paysans constituent 90% de la population et le travail de la
terre est le fondement de l'Žconomie. Dans l'iconographie, c'est le calendrier
qui Žvoquera leurs travaux ŽgrenŽs tout au long de l'annŽe, en rachat du pŽchŽ
originel. Mais dans les miniatures, il semble qu'il n'y ait jamais souffrance
ni effort, et ce n'est que trs exceptionnellement qu'est montrŽe la misre des
paysans comme dans cet exemple rarissime:
MANUEL
THEOLOGIQUE, 3e quart du XVe
MISSEL
ROMAIN dit de Boniface VIII, fin XIIIe
Gaulage des
olives: la culture des
olives est presque exclusivement reprŽsentŽe en Italie.
MIRACLES DE
NOTRE-DAME (1270-1280)
- Novembre,
la glandŽe.
- DŽcembre: le paysan assomme le porc du dos de sa
hache avant de l'Žgorger.
HEURES A
L'USAGE DE ROME, vers 1510-1525
- DŽcembre: le porc tient une place importante. Seul animal ŽlevŽ ˆ
des fins alimentaires, facile ˆ nourrir, il fournit l'essentiel de la viande
consommŽe, d'autant que sa chair est facile ˆ conserver, et sa graisse utilisŽe
pour cuisiner. Le mois de l'abattage est gŽnŽralement dŽcembre, et les
techniques en sont diffŽrentes selon les rŽgions. La miniature ci-dessus
illustre celle que l'on utilise dans les Flandres. L'homme, agenouillŽ sur le
flanc de l'animal, dŽgage l'emplacement du cÏur et lui porte le coup mortel,
avant que de le saigner. La paysanne, avec sa pole, recueille le sang. La
sociŽtŽ dŽcrite ici est encore mŽdiŽvale, mais les moyens utilisŽs pour le
faire situent l'image dans le cadre artistique de la Renaissance. Espace
perspectif (cf. les b‰timents et le raccourci des visages), Žclairage naturel,
attŽnuation des tons vers l'horizon, volumes suggŽrŽs par les dŽgradŽs du
clair-obscur.
- Aožt: La moisson ˆ la sape. Le picot sert ˆ
rŽunir et redresser les Žpis.
LES TRéS
RICHES HEURES DU DUC DE BERRY (Ch‰teau de Chantilly)
Le Duc de Berry commande
en 1410 ce Manuscrit., commencŽ par Pol Malouel appelŽ Pol de Limbourg, du nom
de son lieu de naissance, interrompu en 1416 sur les ordres de Charles 1er Duc
de Savoie, repris et terminŽ en 1485 par Jean Colombe. Hors les mois de janvier
(Le Duc de Berry ˆ table), avril (Le ch‰teau de Dourdan), mai (Tours et
remparts de Riom), dŽcembre (Le ch‰teau de Vincennes) rŽservŽs aux festivitŽs
de la cour, les autres mois sont consacrŽs aux travaux des champs accompagnant
les saisons:
FŽvrier.
‑ Village sous la neige. Dans la salle d'une ferme, 3 personnages se chauffent en se retroussant
devant la cheminŽe. A c™tŽ, les moutons se serrent dans la bergerie. Au dehors,
des pies picorent du grain, un homme emmitouflŽ rentre ˆ la ferme, un bžcheron
abat un arbre et un paysan, sur la route, pousse son ‰ne vers le village.
Mars.
‑ Le ch‰teau de Lusignan. Au premier plan, un laboureur, et sur les pentes de la
colline, des paysans rŽcoltent, taillent la vigne ou gardent les
moutons.Au-dessus de la tour du ch‰teau, le dragon Žvoque MŽlusine, la fŽe qui
avait ŽpousŽ le comte de Poitou Raymondi.
Juin.
‑ Paris, Palais, Sainte‑Chapelle. Des paysans fauchent et fanent: les femmes portent sur la
tte un voile qui les prŽserve du soleil, les hommes sont en chemise. La vue
est prise de l'h™tel de Nesles, demeure de Jean de Berry, sur la rive gauche de
la Seine, devant la pointe de la CitŽ. Par-delˆ le mur qui borde le fleuve, on
aperoit la faade du palais et derrire, les tours de la Conciergerie et de l'Horloge
et au milieu, la tour de Montgommery et la Sainte Chapelle.
Juillet.
‑ Le ch‰teau de Poitiers. La tonte des moutons et la moisson, au pied du ch‰teau de Poitiers, au
confluent du Clain et de la Boivre.
Aožt.
‑ Le ch‰teau d'ƒtampes. Des cavaliers partent pour la chasse au faucon. A l'arrire-plan, des
jeunes gens se baignent et des paysans moissonnent.
Septembre.
‑ Le ch‰teau de Saumur. Les vendanges.
NB- les
personnages du 1r plan, dessinŽs avec le reste ˆ l'Žpoque de Jean de Berry, ont
ŽtŽ peints par Jean Colombe, dans un style plus sec, moins enveloppŽ que celui des
Limbourg.
Octobre.
‑ Le Louvre de Charles V. Les semailles, sur la rive gauche de la Seine. Au 1r plan, pies et
corbeaux picorent; un sac de grains et un tonnelet ont ŽtŽ posŽs prs du fossŽ;
En bordure de la rivire, un Žpouvantail brandit un arc. La vue, comme pour le
mois de juin, est prise de l'h™tel de Nesle.
Novembre.
‑ La glandŽe. Un
homme abat les glands avec un b‰ton pour nourrir ses porcs. La peinture est de
Jean Colombe.
2-
RENAISSANCE
Peinture de Genre
(1599 - 1780)
La peinture de
genre figure des scnes
contemporaines et prises sur le vif, scnes de la vie quotidienne du peuple,
des scnes familires, de travail, de jeux, ainsi que des rŽcits anecdotiques.
PortŽe ˆ un point de perfection au XVIIe sicle par Caravage, c'est un genre
trs apprŽciŽ dans les pays du Nord.
- Avant la Renaissance
Certains historiens
d'art considrent les peintures Žgyptiennes reprŽsentant les travaux des
champs, les banquets, etc. comme de la peinture de genre. De mme, dans les
vases grecs ou Žtrusques, on peut trouver parfois des scnes de marchŽ ou de
chasse qui s'apparentent ˆ des scnes de genre, tout comme certaines mosa•ques
et peintures romaines.
- Avec le Moyen åge, qui
produit essentiellement un art ˆ vocation religieuse, la scne de genre dispara”t.
C'est avec Van Eyck et les primitifs flamands qu'elle devient une
reprŽsentation courante, et ce sont surtout les Žcoles du nord qui la
pratiqueront
- La Renaissance
Avec le retrait
progressif de la religion des arts, la scne de genre commence ˆ se dŽvelopper,
en particulier dans les Flandres., mme si gŽnŽralement elle doit se lire de
manire symbolique.
JŽr™me Bosch et Bruegel
l'Ancien n'hŽsiteront pas ˆ l'exploiter pour illustrer des proverbes et des
histoires (aujourd'hui souvent perdus) qui donnent une nuance "la•que" ˆ l'Ïuvre
religieuse.
En Italie comme en
France, ce thme est beaucoup moins bien peru, malgrŽ des femmes au bain
frŽquentes dans l'Žcole de Fontainebleau, mais qui se rattachent le plus
souvent ˆ la peinture mythologique ou ˆ la peinture d'histoire, plus qu'ˆ la
scne de genre proprement dite.
ECOLE DE
FONTAINEBLEAU, batteurs de blŽ́ 1560-65
ECOLE DE
FONTAINEBLEAU, moissonneurs 1560/65
A c™tŽ des
sujets mythologiques essentiels pour le dŽveloppement du paysage classique en
France, Niccolo dell Abbate a peint des sujets plus familiers, que l'on voit
appara”tre au fond de ses dessins, et mentionnŽs dans l'inventaire que fit
Lebrun des collections royales. Les deux paysages ci-dessus, simples vues de
campagne avec des travaux des champs, se rattachent ˆ cette veine. AttribuŽs
tout d'abord ˆ Niccolo lui-mme, on les pense plut™t (Sylvie BŽguin) dus ˆ son
entourage, peut-tre ˆ son fils a”nŽ Giulio Camillo.
Pieter I
BRUEGEL (BRUEGHEL), dit l'Ancien ou le Vieux
Breda ?, 1525/1530 -
Bruxelles, 1569
Aprs un voyage en
Italie, Bruegel revient probablement chez lui au printemps 1554, en passant par
le territoire actuel de la Suisse et de l'Autriche. Aprs son mariage avec
Mayken Coecke, il s'installe ˆ Bruxelles (1563). Ses premires oeuvres reprŽsentent
des bords de mer et des paysages de montagnes, influencŽs par la peinture de
paysages de J. Patinier et peut-tre par l'essor de la littŽrature
gŽographique, dont les ouvrages Žtaient souvent illustrŽs de vues panoramiques
ˆ vol d'oiseau, vues qui sont particulirement caractŽristiques du traitement
de l'espace chez Bruegel. Les annŽes 1559 et 1560 voient na”tre un intŽrt
nouveau pour certains groupes sociaux (les petites gens, les enfants),
certaines traditions (le carnaval, le carme) et certaines particularitŽs
linguistiques (les proverbes, sujet de prŽoccupation privilŽgiŽ des
humanistes). En mme temps, ces tableaux, en tant qu'objets de luxe, soulignent
la diffŽrence de statut social qui sŽpare le dŽtenteur de l'Ïuvre et les
personnages reprŽsentŽs, pour un public sans doute cultivŽ, de formation
humaniste. Ensuite viennent les thmes de la mort, de l'enfer, de la dŽcadence
et du pŽchŽ, ou Bruegel s'inspire du vocabulaire diabolique de JŽr™me Bosch.
Puis il revient au paysage, dans la sŽrie des "Mois" (1565). Cinq
panneaux en ont ŽtŽ conservŽs : Les chasseurs dans la neige, La journŽe
sombre, La fenaison, La moisson et La rentrŽe des troupeaux. On suppose qu'il en existait six ˆ l'origine,
dont chacun reprŽsentait les activitŽs propres ˆ deux mois de l'annŽe, ˆ
travers elles, l'Žvolution du paysage au cours des saisons.
Fenaison
JournŽe
sombre, 1565
Moisson,
1565
RentrŽe
des troupeaux, 1565
Danse de
paysans, 1568
3-
XVIIe SIECLE
Antoine,
Louis et Mathieu LE NAIN
Ils sont nŽs tous les
trois ˆ Laon: Mathieu en 1607, Antoine et Louis, respectivement en 1588 et 1593
selon certains historiens, juste avant et juste aprs 1600 selon d'autres. En
1630 ils vivaient tous les trois ˆ Paris. Ils sont gŽnŽralement dŽsignŽs comme
les frres Le Nain, ˆ cause de la similitude entre leurs styles de peinture et
de la difficultŽ ˆ diffŽrencier leurs Ïuvres (ils signaient tous leurs toiles
avec leur seul nom de famille et certaines devaient tre des Ïuvres communes).
Louis est habituellement crŽditŽ de leurs peintures les plus cŽlbres, une
sŽrie de scnes dŽcrivant la vie paysanne. Les frres ont aussi rŽalisŽ des
miniatures (pour la plupart attribuŽes ˆ Antoine) et des portraits (attribuŽs ˆ
Mathieu). Antoine et Louis meurent en 1648. Mathieu en 1677.
Famille
de paysans
La
moisson
GEORGES DE
LA TOUR, Saint Joseph charpentier
RUBENS, Kermesse
4-
XVIIIe SIéCLE
Les Pastorales
La mode des Pastorales
occupe une place importante au XVIIIe sicle. Elle puise son inspiration dans
un retour ˆ lÕAge dÕor, emprunt de valeurs simples, belles, amoureuses et
baignŽes de fantaisies. Une vŽritable philosophie imprgne ces Žcrits. A
travers la mode pastorale, les Žcrivains, comme les autres artistes et
personnes qui sÕy intŽressent, Žpanchent leur connaissance de la beautŽ classique
de lÕAntiquitŽ, empreinte de poŽsie courtoise et toute entire dŽvolue ˆ lÕ‰me
sensible dÕune terre de tous les possibles et de toutes les richesses.
BOUCHER
Pastorale
Le repos
des fermiers
L'idylle
du berger
Couple
d'amoureux
LOUIS JOSEPH WATTEAU DIT WATTEAU DE LILLE (1731-1798),
petit-neveu
de Jean-Antoine Watteau, le peintre des ftes galantes. Lui et sont fils seront
appelŽs les "Watteau de Lille". Son r™le a ŽtŽ dŽterminant pour le
futur musŽe lillois des beaux-arts qui sera inaugurŽ en 1803, par la
rŽalisation du premier inventaire des tableaux confisquŽs ˆ la RŽvolution.
Les 4 heures du jour le matin
Les 4 heures du jour midi, la mŽridienne
Les 4 heures du jour vesprŽes ou l'orage
Les 4 heures de la journŽe le soir
5-
XIXe SIECLE
Guy de Maupassant
commente: "Chaque fois que je retourne au Salon, un Žtonnement me saisit
devant les paysanneries. Et ils sont innombrables aujourd'hui, les paysans. Ils
ont remplacŽ les VŽnus et les Amours, que seul M. Bourguereau continue ˆ
prŽparer avec de la crme rose. Ils bchent, ils sment, ils labourent, ils
hersent, ils fauchent, les jolis paysans peints." En effet, la figure du
paysan prend de plus en plus d'importance, et ce dans l'Europe entire. Pour,
sans doute, deux raisons: d'une part la nŽcessitŽ pour les artistes de
renouveler les sujets de la reprŽsentation, d'autre part la dŽsertification progressive des campagnes au
profit des villes, due ˆ l'industrialisation. La pŽriode fera donc l'objet
d'une Žtude plus approfondie.
LES
REPRESENTATIONS PAYSANNES AU XIXE SIECLE
I-
EVOLUTION
A-
LA TRADITION CLASSIQUE
- Vers 1820, trouver
un sujet est un problme pour les artistes: le rŽpertoire classique est ŽpuisŽ. Pour Robert qui est en Italie,
il s'agira de s'Žloigner des grands thmes historiques pour peindre la beautŽ
des humbles, descendants des romains antiques. "J'ai voulu choisir un
genre qu'on ne connut pas encore, et ce genre a pluÉ Lorsque j'arrivai, je fus
frappŽ de ces figures italiennes, de leurs mÏurs et usages remarquables, de
leurs vtements pittoresques et sauvages."
LEOPOLD
ROBERT (1794-1835)
Neuch‰telois
de famille modeste, il part pour Paris en 1810 o il suit une formation de
graveur, puis entre 1812 dans l'atelier de Jacques-Louis David.
Ë
la chute de l'Empire, la PrincipautŽ de Neuch‰tel redevient prussienne et
LŽopold Robert perd sa nationalitŽ franaise. De retour ˆ La Chaux-de-Fonds il
peint de nombreux portraits qui contribuent ˆ sa renommŽe dans la bourgeoisie
neuch‰teloise. Gr‰ce ˆ un mŽcne (F. Roulet de MŽzerac), il pourra poursuivre
ses Žtudes ˆ Rome, et ses scnes italiennes en costumes attirent ˆ lui la
clientle d'une Žlite. En 1825, il frŽquente le salon de Mme RŽcamier, voyage ˆ
Naples et dans diffŽrentes rŽgions italiennes. Le retour du plerinage de la
Madone de l'Arc remporte un
grand succs au Salon de Paris de 1827. En 1829 il retourne en Italie, dans les
marais Pontins notamment. En 1831, nouveau triomphe au Salon de Paris: ArrivŽe
des moissonneurs dans les marais Pontins. Suite aux troubles de 1832 dans les ƒtats pontificaux, il quitte
Rome, s'installe ˆ Venise, entreprend sa dernire composition monumentale, Le
dŽpart des pcheurs de l'Adriatique.
Son tableau ˆ peine achevŽ, il sombre dans un profond Žtat dŽpressif et se
suicide.
Retour
de plerinage ˆ la Madone de l'Arc,
1827
ArrivŽe
(retour?) des moissonneurs dans les marais pontins, 1830
- Le Salon de 1831
marque l'apogŽe d'une peinture de genre paysan. Or les Ïuvres n'apprennent pas grand'chose sur
la vie des paysans: ce qui prime ce sont les costumes et les physionomies
(empruntŽes aux plus beaux brigands italiens), des images classiques
idŽalisŽes, images festives bien ŽloignŽes de la rŽalitŽ, la population rurale
italienne Žtant la plus pauvre d'Europe. L'afflux ˆ Rome d'artistes de toutes
nationalitŽs conduira un style classique et bien-pensant de paysans "hors
du temps", affichant la puretŽ de leurs traits et leurs vtements
chatoyants dans des paysages idylliques dignes des paradis antiques de Virgile.
WILLIAM
BOUGUEREAU (1825-1905)
Fils
d'un nŽgociant en vins de Bordeaux, il apprend le dessin ˆ l'Žcole municipale
de dessins et de peintures de Bordeaux. En 1846, il entre aux Beaux-arts de
Paris dans l'atelier de Franois-ƒdouard Picot, remporte le second prix de
Rome, puis le Premier Prix en 1850. En 1866, le marchand de tableaux Paul
Durand-Ruel lui donne accs ˆ une clientle privŽe; son succs est Žnorme
auprs des acheteurs amŽricains. Professeur en 1888 ˆ l'ƒcole des beaux-arts et
ˆ lÕAcadŽmie Julian de Paris, il expose tous les ans au Salon de Paris.
NB-
Il usera de son influence pour permettre l'accs des femmes ˆ beaucoup
d'institutions artistiques en France.
Bouguereau
est le vŽritable hŽritier des images paysannes qui, dans les annŽes 1830,
firent les succs des Salons. Le retour des moissons, de la mme veine que celui de Robert, est moins
soucieux de vŽritŽ. Les costumes, comme ceux de Corot, sont "vaguement
italiens", et rien ne prŽcise vraiment l'origine des personnages,
gŽnŽralement prŽsentŽs au repos, dans un paysage classique, ŽlŽgiaque, sacrŽ et
religieux, qui Žlve l'esprit.
Retour
des moissons
CAMILLE
COROT (1796-1875)
Pour Corot, la paysan
italien est dans une contrŽe imaginaire. Aprs 1843, date de son dernier
voyage, il peint une sŽrie de paysannes italiennes dont les costumes trs
particuliers pourraient provenir de thމtres parisiens. Il Žvoque la paysanne
italienne en gŽnŽral plus que les dŽtails (vtement, dŽcor, physionomie): rve
d'Italie, ses paysannes indiffŽrentes et mŽlancoliques sont plus proches de la poŽsie lyrique des
auteurs franais du milieu du sicle que d'une quelconque rŽalitŽ.
Italienne
assise
ERNEST
HEBERT (1817-1908)
Dauphinois
d'origine, cousin de Stendhal, Žlve des beaux-arts et prix de Rome, il
s'installe ˆ Rome ˆ l'‰ge de 22 ans (1840-1844). Il peindra essentiellement la
campagne romaine. Peintre officiel du Second Empire ˆ son retour en France, il
sera directeur de la villa MŽdicis de 1867 ˆ 1873 et de 1885 ˆ 1891.
Les
scnes paysannes d'HŽbert, bien qu'idŽalisŽes dans la forme, traitent avec
franchise du problme. Il a rŽussi ˆ joindre rŽalitŽ et symbole et,
contrairement ˆ Robert qui avait pris des brigands pour imager les paysans, il
montre les brigands tels qu'en eux-mmes. Jusqu'ˆ lui, on croyait profondŽment
au r™le progressiste et moralisateur de l'art, notions associŽes ˆ la
civilisation classique, et personne n'avait vu la poŽsie de la mort qui rŽgnait
dans l'Italie rurale. La malaria doit
beaucoup au romantisme du dŽsespoir et de la misre de la gŽnŽration de 1830.
Les
cervaroles ˆ la fontaine
2 femmes et un
enfant de Cervara, village connu pour ses brigands.MalgrŽ les rŽfŽrences ˆ
l'AntiquitŽ, les personnages ne sont plus les paysans joyeux et dŽvots de
1820/30, mais des personnages ŽpuisŽs, voire dŽsespŽrŽs.
La
malaria, vers 1851
Une
"barque des morts" vogue sur les marais qui entourent Rome. Ni vie ni
Žnergie, mme dans la silhouette de l'homme qui guide le bateau, appuyŽ
mollement sur sa perche.
EUGéNE FROMENTIN (1820-1876)
Aprs
sa scolaritŽ, il fut pendant quelques annŽes l'Žlve de Louis Cabat, peintre
spŽcialiste des paysages. Un style trs influencŽ par Eugne Delacroix, et
plusieurs voyages en AlgŽrie qu' il fut l'un des premiers dans le milieu
artistique parisien ˆ prendre comme sujet de ses Ïuvres, en font l'un des
reprŽsentants les plus Žminents de l'Orientalisme. Et ses travaux ont ŽtŽ autant une contribution ˆ
l'ethnologie que des Ïuvres d'art.
Moisson en Provence
B-
LE REALISME
Aprs 1840, les
artistes commencent ˆ se tourner vers les paysans de leur propre pays. Apparaissent ainsi des paysans franais, du
Nord, allemands, etc. qui prennent place ˆ c™tŽ des paysans italiens, avec les
mmes intentions. Mais les buts ŽlevŽs traditionnels s'accordent mal au peu de
noblesse qu'a la vie paysanne aux yeux des europŽens. Peu ˆ peu pourtant, gr‰ce
au dŽveloppement de l'esprit scientifique et aux ouvrages ethnographiques,
l'intŽrt grandit et le paysan finit par tre considŽrŽ comme l'humain le plus
proche de la nature. Ce qui ne va pas sans rŽsistance de la part du public et
des critiques, car l'idŽalisation reste la rgle et la nature est considŽrŽe
comme l'antithse de l'art.
FERDINAND-GEORG
WALDMULLER (1793-1865)
Peintre
et Žcrivain autrichien.
Il
Žtudie ˆ l'acadŽmie des beaux-arts de Vienne, et assure ensuite sa subsistance
en peignant des portraits. En 1811, il obtient un poste de professeur d'arts
plastiques auprs des enfants du comte Gyulay, en Croatie. Trois ans plus tard,
il revient ˆ Vienne et se forme par la copie des grands ma”tres.
IntŽressŽ
par la nature, il se met ˆ peindre des paysages. C'est dans ce genre que son
style atteindra la plus grande originalitŽ. WaldmŸller fut un temps professeur
ˆ l'acadŽmie des beaux-arts de Vienne, mais eut rŽgulirement des disputes avec
l'Žlite viennoise en raison de ses critiques au sujet du systme de l'acadŽmie,
qu'il voulait concentrer sur l'Žtude de la nature.
Jeune paysanne avec 3 enfants ˆ la fentre, 1840
Le cadre est peint en trompe-l'Ïil comme le cadre d'un tableau, et
le regard est conduit vers le secret de l'intŽrieur. Le style, conforme aux
conventions (surface lisse, contours prŽcis, idŽalisation gŽomŽtrique des
formes), renvoie ˆ une tradition raphaŽlesque, mais les paysans sont montrŽs
sans prŽtention, d'une manire franche et directe, le regard de la jeune femme
obligeant le spectateur ˆ considŽrer la scne comme une rŽalitŽ.
ACHILLE
MICHALLON (1797-1822)
Fils
du sculpteur Claude Michallon (1751-1799), l'un des reprŽsentants du paysage historique des annŽes
1780-1830. ƒlve de Pierre-Henri de Valenciennes, puis de David. En 1817 il est
le premier laurŽat du "Prix de Rome de paysage historique", instituŽ
en 1816 ˆ lÕinstigation de son premier ma”tre. Ma”tre de Corot qui hŽrita de
son attachement ˆ la lumire, de sa construction de l'espace et de son refus de
l'anecdote. Il dispara”t ˆ l'‰ge de 26 ans.
Paysanne
des environs de Rome
L'agencement
du costume, le drapŽ des tissus, ne sont plus inventŽs, mais peints d'aprs
nature.
Dans ce nouveau
cadre, Courbet et Millet sont
jugŽs comme nettement rŽalistes. Leurs Ïuvres reproduisant des moments vus et
vŽcus, elles sont jugŽes grossires et vulgaires, parce qu'elles dŽfient les
traditions d'idŽalisation de la paysannerie qui rgnent dans les Salons. Avec
eux, on trouve pour la 1e fois dans l'histoire de la peinture de
genre rural des artistes qui reprŽsentent un monde dont ils sont issus, qu'ils
connaissent bien. Courbet Žtudie les tensions sociales et rapproche
(confronte?) les paysans et ceux que l'Žchelle sociale place plus haut. Millet,
lui, ne reprŽsente que les paysans et leurs travaux dictŽs par le cycle des
saisons. Par ailleurs, Courbet personnalise les figures et les dŽtaille, Millet
gŽnŽralise et ramne ses personnages ˆ des types qu'il rŽpte ˆ l'infini.
GUSTAVE
COURBET (1819-1877)
D'une
famille de propriŽtaires terriens, il entre au petit sŽminaire dÕOrnans o il
reoit un premier enseignement artistique avec un professeur de dessin disciple
de la peinture prŽromantique d'Antoine-Jean Gros. Ensuite, il entre au collge
Royal de Besanon o, dans la classe des beaux-arts il suit des cours de
dessins d'un ancien Žlve de David. Fin 1839, il part pour Paris, o il suit
des Žtudes de droit et paralllement frŽquente lÕatelier du peintre Charles de
Steuben. En 1849 il revient ˆ Ornans, change sa manire de peindre. InspirŽ par
son terroir, il crŽe un style quÕil qualifie de rŽalisme. En 1853, la rencontre
du collectionneur montpelliŽrain Alfred Bruyas (1821-1876) sera dŽterminante
pour sa carrire.
-
La Commune, la colonne Vend™me, l'exil
Aprs
la proclamation de la RŽpublique le 4 septembre 1870, il est nommŽ prŽsident de
la commission des musŽes et dŽlŽguŽ aux beaux-arts. Alors qu'il a proposŽ au
Gouvernement de la DŽfense nationale le dŽplacement de la Colonne Vend™me, qui
Žvoque les guerres napolŽoniennes, aux Invalides, la Commune dŽcidera carrŽment
de lÕabattre. Aprs la Semaine sanglante, Courbet est arrtŽ le 7 juin 1871, et
condamnŽ ˆ six mois de prison et ˆ 500 francs d'amende.
-
Malheureusement pour lui, en mai
1873, le nouveau prŽsident de la RŽpublique, le marŽchal de Mac-Mahon, dŽcide
de faire reconstruire la Colonne Vend™me aux frais de Courbet (soit plus de 323
000 francs selon le devis Žtabli). Il est acculŽ ˆ la ruine aprs la chute de
la Commune, ses biens mis sous sŽquestre, ses toiles confisquŽes. Il s'exile en
Suisse, ˆ La Tour-de-Peilz, prs de Vevey.
Les
paysans de Flagey revenant de la foire, 1850
La scne se
situe sur la route dÕOrnans : des paysans du village de Flagey cheminent en
revenant de la foire de Salins. LÕattachement profond de Courbet ˆ sa terre
natale et ˆ ceux qui lÕhabitent sÕinscrit dans une longue sŽrie dÕoeuvres qui
accorde ˆ ces cortges rustiques une place privilŽgiŽe allant bien au-delˆ de
la scne paysanne. L'artiste choisit un moment capital dans la vie rurale, o
les paysans endimanchŽs vont Žchanger leurs produits ˆ la foire. Il s'applique
ˆ reproduire chaque dŽtail, et peint lourdement une procession de personnages
fatiguŽs, marchant un peu comme les animaux qu'ils suivent. Parce qu'il affiche
des valeurs nŽgatives, le tableau fit scandale au Salon de 1850
JEAN-FRANCOIS
MILLET (1814-1875)
A”nŽ
d'une famille nombreuse, installŽe ˆ Gruchy, hameau de la commune de GrŽville,
dans la presquÕ”le de la Hague, en Normandie. Il travaille dans la ferme
familiale jusqu'ˆ l'‰ge de 20 ans, puis, douŽ en dessin, il est envoyŽ ˆ
Cherbourg par son pre, gr‰ce ˆ des relations dans la bourgeoisie locale, pour
apprendre le mŽtier de peintre. Le conseil municipal de Cherbourg et le conseil
gŽnŽral de la Manche lui octroient ensuite une pension pour qu'il puisse
continuer son apprentissage ˆ Paris. Il s'y installe en 1837 et Žtudie ˆ
l'Žcole des beaux-arts dans l'atelier du peintre acadŽmique Delaroche. Deux ans
plus tard, il Žchoue au Prix de Rome, perd alors sa bourse et doit quitter
l'Žcole des beaux-arts.
En
1848, il expose au Salon Le vanneur,
qu'Alexandre Ledru-Rollin lui achte pour cinq cent francs. C'est sa premire
Ïuvre sur le travail paysan, qu'il dŽveloppera ˆ partir de 1849 en s'installant
ˆ Barbizon: Les Botteleurs (1850), Des Glaneuses (1857), L'angŽlus (1859),
la Tondeuse de moutons (1861) et la Bergre (1864), le classeront dans le courant rŽaliste.
Le
semeur
Personnage
solitaire semant ˆ l'aube, le semeur n'a pas de caractres distinctifs ni dans
son visage (peu visible) ni dans son costume. Mais le mouvement de son corps,
dŽtachŽ sur le ciel, confre au tableau rythme et Žnergie. C'est la 1e
Ïuvre importante reprŽsentant un paysan au travail, ce qui sera pratiquement
toujours le cas chez Millet.
JULES
BRETON (1827-1906)
Originaire de Courrires,
un village du Pas-de-Calais. De formation acadŽmique, rŽaliste, naturaliste
puis symboliste vers la fin de sa vie, il est lÕun des premiers peintres
paysans. C'est en effet vers 1848, pŽriode de forts bouleversements sociaux et
politiques, qu'il commence sa carrire. La montŽe alors de l'industrialisation
provoque un exode des campagnes vers les villes et suscite chez les
intellectuels, les artistes, une prise de conscience du peuple dans sa vie
ordinaire. Breton, comme d'autres, rejette l'idŽe classique du vrai associŽ au
laid pour peindre les hommes et
les femmes de son pays natal dans leurs travaux journaliers, recherchant au
travers d'un rŽalisme moralisant ˆ idŽaliser ce monde paysan dans sa
quotidiennetŽ. Trs populaire de son temps, consacrŽ officiellement, il est
aujourd'hui trs prŽsent et cŽlbre aux ƒtats-Unis.
Le
rappel des glaneuses
MAX
LIEBERMANN (1847-1935)
Peintre allemand. Ë
partir de 1920, il est prŽsident de l'acadŽmie prussienne d'art mais en 1933,
suite ˆ l'arrivŽe au pouvoir des nazis et ˆ cause de ses origines juives, il
lui est interdit de peindre.
ƒtudes ˆ Berlin de 1868
ˆ 1873, puis ƒcole des beaux-arts de Weimar. Il rencontre ˆ DŸsseldorf le
peintre rŽaliste hongrois Munkacsy, dont il subit lÕinfluence. De 1873 ˆ 1878,
il sŽjourne ˆ Paris, est attirŽ par Courbet et Millet. Il Žtudie la peinture du
XVIIe sicle lors de voyages en Hollande. Vers 1890, il s'inspire de
l'impressionnisme franais.
Les
plumeuses d'oie, 1871-72
Lorsque le
tableau est exposŽ en 1873, la protestation est unanime dans la presse
populaire, et l'Ïuvre autant vilipendŽe que le DŽjeuner sur l'herbe de Manet l'avait ŽtŽ en 1867. Parce que
les femmes sont repoussantes, dŽformŽes, et qu'en consŽquence cette apparence
rŽaliste s'oppose au concept du paysan beau comme un antique.
C-
FIN DE SIECLE
Dans les vingt dernires
annŽes du sicle, les artistes cherchent ˆ Žchapper ˆ la simple imitation de la
rŽalitŽ. Paradoxalement, le paysan, qui avait ŽtŽ jusque lˆ considŽrŽ comme
l'tre le plus proche de la nature, va jouer un r™le essentiel dans
l'iconographie d'artistes et de styles artificiels et anti-naturalistes, le
symbolisme, le nŽo-impressionnisme, et les post-impressionnistes en gŽnŽral.
MONET Les
Meules
PISSARRO
(1830-1903)
La reprŽsentation de
paysans constitue l'un des sujets les plus personnels et les plus fŽconds de
l'artiste, lointain Žcho ˆ ceux de Millet. Il tente de rŽaliser une peinture
fondŽe sur l'observation mais allant au-delˆ du rŽalisme.Dans les annŽes 1880,
il transforme ses scnes paysannes en s'Žloignant du descriptif. Peu ˆ peu les sujets se font plus
complexes et moins rŽalistes. Et en 1888, sous l'influence du
nŽo-impressionnisme, il s'Žloigne totalement du rŽalisme pour adopter des
compositions qui n'ont plus rien ˆ voir avec une scne prise sur le vif. Dans
son univers rgne l'optimisme, avec l'idŽe que "le travail est la rgle
normale pour l'homme" qui peut, dans la collectivitŽ, contr™ler la nature.
Ses sources ne sont pas dans la littŽrature, mais dans les Žcrits sociopolitiques
de Proudhon ou Reclus, avec lesquels il partage l'espoir d'un Žtat
agro-industriel o tous les hommes contribueraient au travail des champs. Et
c'est en adhŽrant ˆ ces idŽes qu'il abandonne le rŽalisme paysan, la vie rurale
n'Žtant plus un idŽal en soi, mais une part de cette sociŽtŽ exemplaire dont il
rve.
La
bergre, 1881
Un des
premiers tableaux o le peintre donne tant d'importance ˆ la figure, le paysage
n'Žtant gure qu'une toile de fond. Image rŽaliste, sans description trs
prŽcise, mais attitude, costume et traits la rapprochent des rgles rŽalistes
du portrait. La jeune fille n'est pas un symbole, mais une personne.
La Jeune
paysanne faisant du feu
Lorsqu'il
peint ce tableau, Pissarro demeure un reprŽsentant majeur du courant
impressionniste alors que, ˆ partir de 1886, il s'intŽresse aux recherches
nŽo-impressionnistes, adoptant une touche divisŽe selon la mŽthode de Georges
Seurat. Un groupe de peintres "indŽpendants" belges les sollicite
d'ailleurs tous deux, en 1887 et 1889, pour participer ˆ Bruxelles ˆ
l'exposition des XX. Jeune paysanne faisant du feu y figurera en 1889.
La cueillette des pommes, 1888
Sujet souvent traitŽ en techniques diverses. Pissarro a dŽlibŽrŽment
accentuŽ l'aspect dŽcoratif des taches d'ombre au 1r plan. Les lignes du
paysage parfaitement composŽ s'accordent avec les mouvements des paysans.
GAUGUIN
(1848-1903)
Ce n'est pas l'idŽal
social d'un Pissarro qui motive l'anti-rŽalisme de Gauguin et du groupe de Pont
Aven. Gauguin et ses camarades sont fascinŽs par la dŽvotion des paysans et
surtout les manifestations ˆ rŽsurgences pa•ennes. Gauguin transforme la piŽtŽ
paysanne en utilisant des moyens primitifs, dŽformant les personnages qui ne
sont plus ni des paysans types ni des individus. En outre, il Žvite ˆ
l'Žvidence le beau. Ses adeptes, SŽrusier et Bernard, usent du mme systme et
dŽpersonnalisent le monde paysan de la mme faon.
La belle
Angle
Portrait
allŽgorique, qui soulve des questions sur la vanitŽ et la religion (cf. les
ŽlŽments chrŽtiens et pa•ens). La paysanne, inexpressive, et plut™t laide,
acquiert une irrŽalitŽ pesante, soulignŽe par son inscription dans un cercle
japonisant que l'on ne peut dŽfinir ni comme bo”te ˆ g‰teaux, ni comme fentre,
ni comme miroir. Elle en devient de fait une simple abstraction.
EMILE BERNARD (1868-1941)
Sa
famille quitte Lille pour Paris alors qu'ƒmile Bernard a 10 ans. En 1884, il
entre dans l'atelier de Fernand Cormon o il se lie avec Anquetin et
Toulouse-Lautrec. Exclu de l'Atelier Cormon en 1886, il quitte Paris pour un
voyage ˆ pied en Normandie et en Bretagne. L'hiver 1886-87, il rencontre Van
Gogh ˆ Paris, traverse une pŽriode pointilliste puis, au printemps, il revisite
la Normandie et la Bretagne, se rend ˆ Pont-Aven. Gauguin et Laval sont alors
en Martinique. Il abandonne le pointillisme pour le cloisonnisme, ŽlaborŽ avec Anquetin.
En
aožt 1888 a lieu la vŽritable rencontre avec Gauguin. Tous deux, alors ˆ un
moment charnire de leurs Žvolutions artistiques, se dirigent vers les synthses
conceptuelle et formelle d'o
na”t le symbolisme de Pont-Aven: le "synthŽtisme", qui se traduit par
une suppression de tout ce qui n'est pas mŽmorisŽ aprs la visualisation, des
formes simples et des couleurs plates "cernŽes par l'arabesque
dŽcorative" (Gauguin).
Scne d'extŽrieur
Costumes, silhouettes, poses, sont dŽformŽes de telle sorte que le monde du paysan breton
appara”t comme un univers fermŽ, inaccessible, dont les tres n'ont aucune
raison d'tre clairement dŽfinis. La distance entre l'artiste et son sujet est
encore accentuŽe par l'utilisation de zones de couleur parfaitement plates et
proches de l'abstraction.
PAUL SERUSIER (1864-1927)
NŽ
dans une famille aisŽe, il reoit une Žducation classique. En 1875, il entre au
lycŽe Condorcet o il Žtudiera la philosophie, le grec, le latin et les
sciences, et acquerra ses deux dipl™mes de philosophie et de sciences en 1883.
En
1885, il entre ˆ l'AcadŽmie Julian.
Il
passe l'ŽtŽ 1888 ˆ Pont-Aven et se rapproche du petit groupe d'artistes qui
entourent ƒmile Bernard et Paul Gauguin. Ce dernier l'encourage ˆ se
dŽbarrasser de la contrainte imitative de la peinture, ˆ user de couleurs
pures, vives, ˆ ne pas hŽsiter ˆ exagŽrer ses visions, et ˆ donner ˆ ses
peintures sa propre logique dŽcorative et symbolique.
Avec
ses proches Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels et Paul-Elie
Ranson, SŽrusier formera le groupe ŽphŽmre des Nabis.
La solitude, 1890-92
Nouvelle version de la bergre de Pissarro, celle-ci est mal
proportionnŽe, plut™t vilaine et d'aspect misŽrable, bien loin de l'optimisme
de Pissarro.
VAN GOGH
(1853-1890)
En 1889, VG fait une
sŽrie de petits tableaux paysans d'aprs des gravures d'Ïuvres de Millet.
La
tondeuse de moutons (d'aprs Millet), 1889
De l'original
plut™t statique et tout en nuances, VG fait une composition dynamique, en
touches gestuelles comme ˆ son habitude, aux couleurs (inventŽes) vives. La
figure de la tondeuse se fait symbole du travail.
Millet la
tondeuse de moutons
SEURAT
(1859-1891)
Le
faucheur
Le
labourage
GIOVANNI
SEGANTINI (1858-1899)
FormŽ ˆ l'acadŽmie de
Brera ˆ Milan de 1875 ˆ 1879, il occupe une place ˆ part entre le dernier
romantisme et le dŽbut du divisionnisme italien. Vers 1880 il se lie avec le
marchand Vittore Grubicy de Dragon qui aura l'exclusivitŽ de sa production.
Entre 1880 et 1890, les thmes "rŽalistes" prennent une place
dŽterminante dans son Ïuvre. Les dernires annŽes de sa vie, les paysages
alpins deviennent son thme privilŽgiŽ. Contemporain de Van Gogh, de Munch et
d'Ensor, son registre idŽologique et thŽmatique reste prisonnier d'un populisme
sentimental qui limite la portŽe de son Ïuvre.
Ave
maria
Sujet rempli
d'allusions religieuses. La rŽalitŽ paysanne est symbolisŽe et transposŽe en
valeurs mystiques. L'accord paysan/t‰ches/animaux/dŽcor s'inscrit dans une
composition qui en souligne l'unitŽ.
2- SIGNIFICATIONS
A- PAYSAN & CIVILISATION
Les
Žmigrations et la mobilitŽ des classes permettent dorŽnavant aux paysans de
c™toyer, voire pŽnŽtrer, les rangs de la bourgeoisie intellectuelle et
possŽdante. Face ˆ la culture rurale, il y aura deux faons de la considŽrer:
soit voir le paysan comme une tre proche de l'animal, soit le regarder comme
le seul homme authentique, reprŽsentant le fondement de la culture nationale.
- Le Paysan "animal"
"De
tous les animaux utiles, la femme est celui que le paysan romain emploie avec
le plus de profit" (1861, Edmond About). Pour Georges Lecomte, le paysan
est un "vŽgŽtal humain", ou "une bte humaine". En France
est un proverbe populaire "Jacques Bonhomme a bon dos et peut tout supporter",
en Allemagne "le paysan est comme un bÏuf, mais il lui manque les
cornes". La conviction est forte que le paysan n'est gure plus qu'un
animal, et c'est particulirement flagrant dans la littŽrature. La cohabitation
avec les animaux ajoute encore ˆ la rŽpulsion gŽnŽrale. En peinture, la
reprŽsentation est tout de mme assez rare, et assez pondŽrŽe pour ne pas
contredire une certaine idŽalisation de l'image..
SIR EDWIN HENRY LANDSEER (1802 –1873)
PersonnalitŽ
importante de l'art britannique du XIXe sicle, connu pour ses peintures
animalires, en particulier de chevaux et de chiens. Ses Ïuvres les plus
connues sont toutefois des sculptures, les lions de Trafalgar Square ˆ Londres.
A
13 ans, en 1815, Landseer prŽsente son travail ˆ la Royal Academy. Il est Žlu
membre associŽ de la Royal Academy ˆ 24 ans, et acadŽmicien cinq ans plus tard.
Anobli en 1850, il refusera le poste de PrŽsident de la Royal Academy en 1866.
Un dŽjeuner en ƒcosse, 1834
L'un des premires reprŽsentations de la cohabitation paysans/animaux,
parmi les plus apprŽciŽes d'ailleurs. A l'exposition universelle de Paris en
1855, ThŽophile Gautier note qu'elle donne une image franche du rapprochement
entre les hommes et les chiens.
SEGANTINI Les mres fatiguŽes
CHARLES JACQUE (1813-1894)
L'un
des reprŽsentants, avec Jean-Franois Millet, de l'ƒcole de Barbizon.
Fuyant
les ŽpidŽmies qui frappent Paris, Charles Jacque s'installe en aožt 1849 ˆ
Barbizon avec Millet. Les sujets de ses crŽations sont d'inspiration rustique
ou champtre: p‰tres, troupeaux de moutons ou de porcs, vues ou scnes de vie
de ferme.
RentrŽe ˆ la bergerie
L'homme est reprŽsentŽ comme le berger type, sans que l'on voie sa
physionomie, et dans une position neutre, tandis que les animaux sont
soigneusement individualisŽs dans leurs attitudes. L'autoritŽ du paysan est
nŽanmoins incontestable.
MAX LIEBERMANN (1847-1935) Dans les dunes, 1890
Au contraire du prŽcŽdent, le tableau montre la rŽsistance de
l'animal ˆ son ma”tre. Une chvre, soumise, trotte auprs de la paysanne,
tandis que l'autre, rebelle, refuse de la suivre. Liebermann Žvoque peut-tre
en opposition le problme de la soumission du paysan ˆ la nature, et le
contr™le qu'il doit exercer sur elle.
EMILE LOUBON (1809-1863)
Fils
d'un nŽgociant aisŽ, il Žtudie le dessin sous la direction de Jean-Antoine
Constantin, de Franois Marius Granet et de Louis Mathurin ClŽrian. En 1829,
Granet l'invite ˆ l'accompagner pour un voyage d'Žtudes ˆ Rome, o il restera
deux ans. Il rentre en France en 1831 et part pour Paris. Il obtient la
mŽdaille de troisime classe au Salon de 1833.
La
ruine de son pre le rappelle brusquement ˆ Aix en 1845. Son oncle, adjoint aux
Beaux-Arts de Marseille, parvient ˆ le faire nommer ˆ la direction de l'Žcole
de dessin de Marseille en 1845. Dans le mme temps, il fonde la SociŽtŽ des
Amis des Arts de Marseille. VŽritable fondateur de l'Žcole de Provence,
excellent portraitiste, il est surtout un paysagiste attentif aux variations
atmosphŽriques et un peintre animalier.
Troupeau en marche, vers 1851
MILLET, La naissance du veau, 1864
L'Ïuvre souleva de sŽvres critiques parce qu'elle exprime la
comprŽhension, l'amour, le respect des hommes pour leurs animaux. RŽfŽrence au
veau d'or de la Bible, le transport solennel du veau ˆ la ferme inverse les
rapports: les hommes deviennent des btes de somme, tandis que l'animal est
sacralisŽ..
- Le folklore
Dans
la 2e moitiŽ du sicle, le dŽveloppement de l'anthropologie conduit
une autre image qui va s'imposer: celle d'un individu ayant des coutumes, des traditions,
qui, pour tre diffŽrentes de celles du citadin, n'en constituent pas moins une
vŽritable culture.
FRANZ LUDWIG CATEL (1778-1856)
Peintre
allemand. Il entre ˆ Berlin Kunstakademie, en devient membre en 1806. En 1807,
alors qu'il s'est dŽjˆ fait un nom comme aquarelliste et illustrateur, il
commence ˆ Žtudier la peinture ˆ
l'huile ˆ l'acadŽmie des beaux-arts ˆ Paris. En 1811 il part pour l'Italie, o
il passera le reste de sa vie. Il est spŽcialiste des scnes napolitaines en
costumes festifs folkloriques, une peinture qui sera trs populaire auprs de
la masse de riches voyageurs qui vinrent en Italie aprs les guerres
napolŽoniennes.
Scne de la vie populaire prs de Pozzuoli, vers 1823
Les personnages sont placŽs dans un contexte ethnographique. La
tarentelle est le symbole de la culture napolitaine.
Bergers italiens, vers 1820
Le fond neutre oblige le spectateur ˆ fixer son regard et ˆ
dŽtailler les particularitŽs des costumes, notamment les riches couleurs de
celui de la femme.
ERNEST BIELER (1863-1948)
Aprs
ses Žtudes ˆ Lausanne, il suit les cours de l'acadŽmie Julian. En 1900, il
obtient la mŽdaille d'argent de l'Exposition universelle de Paris. Il
appartient, avec Rapha‘l Ritz, ƒdouard Vallet, Albert Chavaz et d'autres, ˆ ce
que l'on nomme l'Žcole de Savise.
Tresseuses de paille
Retour de baptme
DAGNAN-BOUVERET Pascal-Adolphe (1852-1929)
Fils
d'un tailleur parisien, il entre en 1869 dans l'atelier d'Alexandre Cabanel,
puis ˆ l'ƒcole des beaux-arts chez Jean-LŽon GŽr™me. Second au Prix de Rome en
1876, il s'installe en Franche-ComtŽ o il peint des scnes de la vie
quotidienne. A partir de 1885, il visite souvent la Bretagne qui lui inspirera
de nombreuses toiles. Le Pardon en Bretagne lui vaudra un mŽdaille d'honneur ˆ l'exposition
universelle de 1889.
Il
reoit le grand prix de l'Exposition universelle de 1900 pour l'ensemble de son
Ïuvre et est Žlu membre de l'AcadŽmie des beaux-arts le 27 octobre 1900.
Jeunes bretonnes
Dans les deux dernires dŽcennies du sicle, les peintres sont particulirement
attirŽs par les costumes bretons. Dagnan-Bouveret particulirement. Il dŽcrit
trs prŽcisŽment les costumes, et surtout les coiffes dont la blancheur semble
symboliser la foi et la puretŽ. Ses Ïuvres tiennent des Žtudes de costumes et
de l'observation des rites religieux.
PHILIPPE JEANRON (1807-1877)
ƒlve
de Sigalon, il peint des paysages dans le gožt de l'Žcole de Barbizon. Mais il
reste surtout connu pour la part active qu'il prit au moment de la rŽvolution
de 1830, pour dŽfendre la libertŽ d'expression des artistes, en fondant la
SociŽtŽ libre de peinture et de sculpture. Aprs une sŽrie d'Ïuvres engagŽes,
il devient peintre de genre, fortement marquŽ par les artistes hollandais.
Simple observateur du quotidien, il ne porte plus de jugement sur la sociŽtŽ et
se contente de dŽcrire la vie des petites gens, quÕils soient paysans limousins
ou pcheurs, scnes souvent placŽes dans de vastes paysages. En 1848, il est
nommŽ directeur des MusŽes nationaux, poste o il sera vite remplacŽ par Nieuwerkerke.
Mais on lui doit les premiers inventaires complets des collections et le
classement des peintures par Žcoles.
Les paysans limousins, 1834
ANDERS ZORN (1860-1920)
peintre
et graveur suŽdois.
Oeuvre
violente, fortement reprŽsentative de la vie et des atmosphres.
Danse de la Saint-Jean, 1897
GAUGUIN
(1848-1903)
Les 4
Bretonnes
Paysannes
B- PAYSAN & VALEURS BOURGEOISES
Les
tableaux de paysans sont le support des principes de la bourgeoisie. Cette
dernire a besoin, aprs la RŽvolution, d'asseoir sa supŽrioritŽ de classe.
Elle vŽhicule donc ses propres valeurs. Travail, famille, patrie, religion vont
tre maintes fois reprŽsentŽs, l'image du paysan Žtant le dŽnominateur commun
de ces principes censŽs tre ceux de l'humanitŽ tout entire.
- Le travail
Un
moraliste Žcrit au milieu du sicle: "les paysans saventÉ que le travail
purifie la matire, sanctifie la pensŽe, est une prire active que l'homme
industrieux adresse sans cesse au crŽateur." Il sera cependant peu reprŽsentŽ avant le milieu du sicle,
les gestes et dŽformations qu'il impose au corps n'Žtant pas compatibles avec
la "beautŽ idŽale" dont les modles sont puisŽs dans la statuaire
antique.
La
reprŽsentation s'en appuiera sur un certain nombre de thmes privilŽgiŽs, sans
cesse rŽpŽtŽs: les travaux saisonniers, et particulirement les semailles et
les moissons, les labours, mais aussi le repos et les ftes, partie intŽgrante, comme juste
rŽcompense, du travail.
FRAN‚OIS-ANDRƒ VINCENT
(1746 -1816), nŽoclassique.
ƒlve
de son pre, le miniaturiste Franois-ƒlie Vincent, puis de Joseph-Marie Vien,
il est laurŽat du Prix de Rome en 1768 et sŽjourne en Italie de 1771 ˆ 1775. Il
est admis ˆ lÕAcadŽmie royale de peinture et de sculpture en 1777 et ˆ partir
de cette date expose rŽgulirement au Salon. ConsidŽrŽ comme le chef de l'Žcole
nŽoclassique et lÕun des principaux rivaux de Jacques-Louis David, il est
rapidement supplantŽ par celui-ci. Ë la RŽvolution, ses convictions royalistes
lÕopposent encore plus ˆ David. Il sera l'un des premiers membres de lÕAcadŽmie
des beaux-arts de l'Institut de France, qui remplace l'AcadŽmie royale en 1795.
La leon de labourage, ou L'agriculture, 1798
Pour Vincent, le travail des champs est noble et le paysan honnte
et digne de respect. Son laboureur, musclŽ et bronzŽ, est un personnage de la
Renaissance et son doigt pointŽ rŽpte le geste de Dieu donnant vie ˆ Adam ˆ la
chapelle Sixtine.
La scne est un exemplum virtutis proposŽ au citadin comme sujet de
rŽflexion morale. "PŽnŽtrŽ de cette vŽritŽ que l'agriculture est la base
de la prospŽritŽ des ƒtats, le peintre a reprŽsentŽ un pre de famille qui,
accompagnŽ de sa femme et de sa jeune fille, vient visiter un laboureur au
milieu de ses travaux. Il lui rend hommage en assistant ˆ la leon qu'il l'a
priŽ de donner ˆ son fils, dont il regarderait l'Žducation comme imparfaite
sans cette connaissance." (commentaire du livret du Salon 1798).
SEGANTINI
Labourage en Engadine, 1887-90.
LEON LHERMITTE (1844-1925)
Son
pre, instituteur, remarque ses capacitŽs et son gožt pour la peinture, et lui
permet de faire ses Žtudes aux beaux-arts. Sa formation terminŽe, il expose
souvent et recevra plusieurs rŽcompenses. Il participera comme jury ˆ
lÕExposition universelle de Paris en 1900. ReprŽsentant du naturalisme, il adopte comme sujet la vie sociale ouvrire et
paysanne de son temps avec des scnes de travaux pŽnibles. Il prolonge jusqu'au
XXe sicle le mouvement rŽaliste avec ses oeuvres, largement popularisŽes par
l'imagerie. Lhermitte retient davantage par des Žtudes au pastel et au fusain
o, sans atteindre au gŽnie de Millet, il se voulut son continuateur. Il fut en
1890 l'un des fondateurs de la SociŽtŽ nationale des beaux-arts.
Le labour gravure sur bois, 1889
ROSA BONHEUR (1822-1899)
ƒlve
de son pre et de LŽon Cogniet, elle expose pour la premire fois au Salon en
1843, reoit une mŽdaille de 3e classe au salon de 1845 et une mŽdaille d'or au
salon de 1848. L'annŽe suivante, elle y expose le Labourage nivernais, commande de l'ƒtat. Avec le MarchŽ aux chevaux,
prŽsentŽ au salon de 1853, elle conna”t une gloire internationale qui lui
vaudra d'tre prŽsentŽe ˆ des personnalitŽs telles que la reine Victoria dont
elle est le peintre favori, l'impŽratrice EugŽnie, ou encore le Colonel Cody
(Buffalo Bill), qui lui offre une authentique panoplie de Sioux.
En
1859, elle s'installe ˆ By, coteau viticole de la commune de Thomery en
Seine-et-Marne, o elle installe son atelier et amŽnage des espaces pour ses
animaux.
Homosexuelle,
paradoxalement, sa vie excentrique n'a pas fait scandale ˆ une Žpoque pourtant
trs soucieuse des conventions. Elle porte les cheveux courts, fume des
havanes, mais devra tout de mme demander aux autoritŽs policires
l'autorisation de porter des pantalons pour frŽquenter les foires aux bestiaux
(autorisation de travestissement, renouvelable tous les six mois auprs de la
prŽfecture de Paris).
Labourage en Nivernais
Fenaison en auvergne
LEON LHERMITTE (1844-1925)
Lieuses de gerbes
La fenaison
La moisson
EMILE BERNARD La
moisson
MILLET Les glaneuses
JULES
BRETON
Les
glaneuses, 1854
Admirateur de
Courbet et surtout de Millet, Breton prŽsente au Salon de 1855 cette importante
composition qui marque le dŽbut de sa glorieuse carrire comme peintre et
Žcrivain de la paysannerie franaise. Ce groupe complexe de plus de 40
personnages est peint dans un style trs nouveau. Au crŽpuscule, femmes et
enfants glanent sous la surveillance d'un garde-champtre. Il s'agit lˆ du
"second glanage", permis aux pauvres aprs la rŽcolte et le premier glanage
effectuŽ par les gens de la ferme. Breton choisit une lumire qui met l'accent
sur les vtements de travail froissŽs, et multiplie les points de vue,
dŽclinant ainsi nombre d'observations sur la hiŽrarchie sociale, la charitŽ,
les gestes du travail de la terre.
Si l'ensemble des paysans de Breton se compose d'individus jeunes et
sains travaillant en groupe, et ceux de Millet sont plus solitaires et
fatiguŽs, l'un comme l'autre usent d'idŽalisation. Tous deux tentent de
transcender la rŽalitŽ en donnant ˆ voir un peuple que la civilisation
industrielle n'a pas encore touchŽ, vision sentimentale et romantique.
Les sarcleuses (glaneuses?)
JULIEN DUPRE (1851-1910)
Dans
la lignŽe de Jean-Franois Millet et de Jules Breton il va exceller dans la
peinture rŽaliste avec LŽon Lhermitte, Jules Bastien-Lepage et Pascal
Dagnan-Bouveret. Il devient l'un des meilleurs peintres animaliers et reproduit la vie des paysans avec
fidŽlitŽ. Il sait en outre jouer avec les couleurs, la lumire et les ombres
pour donner vie ˆ ses sujets. Entre acadŽmisme et impressionnisme, son Ïuvre
met en scne les travaux des champs dans leur dure rŽalitŽ. Les personnages ne
sont pas figŽs dans des poses acadŽmiques mais en mouvement dans lÕaction, dans
lÕeffort comme dans le repos, montrant ainsi leur humanitŽ.
Bouguereau
et Breton sont ses modles mais il se laisse aussi influencer par le mouvement
impressionniste, utilisant le couteau pour apporter plus de relief et de
vibration ˆ sa peinture. Vite reconnu aux Etats-Unis, o il vendit de nombreuses
toiles, il y est encore aujourd'hui trs recherchŽ..
Les foins, 1884
La pause de midi
BASTIEN-LEPAGE (1848-1884)
NŽ
ˆ Damvillers, prs de Verdun dans un milieu modeste de propriŽtaires terriens
et de paysans. Il suit des Žtudes secondaires ˆ Verdun et, muni de son
baccalaurŽat s-sciences, il arrive ˆ Paris en 1867, entre ˆ l'Administration
gŽnŽrale des postes en tant que surnumŽraire, ce qui lui laisse le temps de
travailler le dessin. Ë la mme Žpoque il tente sans succs le concours de
l'ƒcole des beaux-arts. L'annŽe suivante il est admis dans l'atelier de
Cabanel. Le 20 octobre 1868 enfin, il est reu premier au concours et entre ˆ
l'Žcole des beaux-arts dans la section peinture. En 1875 l'Annonciation aux
bergers lui permet d'tre
deuxime au Grand Prix de Rome. Il va hŽsiter entre deux directions : les
thmes traditionnels et ses gožts pour les scnes de la vie paysanne. Peintre
de la vie rurale, il aime travailler prs des paysans, les suivre dans leurs
occupations quotidiennes. Paralllement, il mne une carrire de portraitiste.
Il
ne travailla gure plus de 10 ans et pourtant il laisse une Ïuvre Žtonnante et
exceptionnelle.Il meurt ˆ 36 ans en 1884 d'un cancer.
Les foins
Une longue analyse du tableau de Bastien-Lepage par le critique Paul
Mantz permet de mieux comprendre la complexitŽ des rŽactions de l'Žpoque devant
ces images de moments de repos aprs des travaux pŽnibles : "Cette
paysanne est un monument de sincŽritŽ, un type dont on se souviendra toujours.
Elle est trs h‰lŽe par le soleil, elle est laide; la tte est carrŽe et mal
dŽgrossie; c'est la reproduction implacablement fidle d'une jeune campagnarde
qui ne s'est jamais regardŽe au miroir de l'idŽal. Mais dans cette laideur il y
a une ‰me. Cette faneuse si vraie par l'attitude, les yeux fixŽs vers un
horizon mystŽrieux, est absorbŽe par une pensŽe confuse, par une sorte de
rverie instinctive et dont l'intensitŽ se double de l'ivresse provoquŽe par
l'odeur des herbes coupŽes. Le son d'une cloche, l'appel du ma”tre des
faucheurs, la tireront bient™t de sa contemplation muette. Elle reprendra son
dur travail, elle rentrera dans les fatalitŽs de la vie rŽelle. Mais pendant
cette rude journŽe, l'‰me aura eu son entracte. De tous les tableaux du Salon,
y compris les tableaux religieux, la composition de Bastien-Lepage est celle
qui contient le plus de pensŽe."
CAMILLE PISSARRO
Les foins
Les ramasseurs de pommes de terre
VAN GOGH La rŽcolte des olives
RUDOLF ANTON MAUVE (1838-1888)
Membre
Žminent de l'Žcole de La Haye, aujourd'hui plus connu pour son influence sur
les dŽbuts de son cousin Vincent van Gogh. Contre la volontŽ de ses parents, il
entreprend des Žtudes artistiques xhez Van Os, dont la sŽcheresse a acadŽmique
a peu d'attrait pour lui Il a profitera beaucoup plus de son intimitŽ avec
Jozef Israels. Il excelle ˆ rendre floue l'ambiance des vertes prairies
Hollandaises, et se consacre presque exclusivement ˆ la reprŽsentation de la
vie en milieu rural des. Ses peintures les plus connues reprŽsentent des
paysans qui travaillent dans les champs, et en particulier l'Žlevage de
moutons.
Le potager
- La famille
Des
milliers d'images littŽraires ou picturales symbolisent les valeurs familiales
chres ˆ la bourgeoisie. Des valeurs menacŽes par la vie moderne, et que l'on
pense garanties et sauvegardŽes dans le monde paysan. Pourtant, les choses sont
loin d'y tre aussi idylliques, et les Žcrits de voyages montrent au contraire
une sociŽtŽ accablŽe par la misre et la maladie, dŽchirŽe par les querelles,
soumise ˆ la loi de la cupiditŽ personnelle.
JOHN OPIE (1761-1807)
Fils
d'un charpentier de Cornouailles, il fut pris en charge ˆ quatorze ans par le
Dr John Wolcot (Peter Pindar) qui lui apprend ˆ conna”tre l'Ïuvre de Rembrandt
et des
"
tŽnŽbristes ". En 1781, Wolcot mene Opie ˆ Londres pour le lancer sur la
scne artistique londonienne. Succs immŽdiat. Opie dŽbute comme portraitiste. En 1784, il expose ˆ la
Royal Academy (o sera reu en 1787) un tableau de genre intitulŽ l'ƒcole qui devait beaucoup ˆ la peinture du XVIIe
flamand et hollandais. Ses peintures plus tardives appartiennent au Romantisme.
Famille
du paysan, 1783-85
Îuvre dans la
tradition du genre pastoral aimable ˆ la mode en Angleterre fin XVIIIe. Opie
donne plus d'importance ˆ la femme et aux enfants du paysan qu'au paysan
lui-mme, absent de la reprŽsentation, et les montre dans un moment de loisir.
Ni pauvretŽ, ni rŽfŽrence aux fatigues et aux t‰ches mme du travail de la
terre. Seuls sont mis en scne le lien affectif entre les personnages et celui
qui les lie ˆ la nature.
JEAN-FRANCOIS
RAFFAELLI (1850-1924)
ƒlve
de GŽr™me ˆ lÕŽcole des beaux-arts, Raffa‘lli dŽbute au Salon en 1870. Aprs
sÕtre consacrŽ au paysage, il peint des ouvriers ou des pauvres de la banlieue
parisienne dans des Ïuvres naturalistes qu'il dŽfinit lui-mme comme
"portraits types de gens du peuple". Il ne gŽnŽralise jamais mais
caractŽrise volontairement l'tre humain. Sa facture est trs influencŽe par la
technique des impressionnistes qu'il rencontrait au cafŽ Guerbois.
La
famille de Jean-le-Boiteux, paysans de Plougasnou, Finistre, 1876
La toile,
coupŽe, Žtait un portrait de groupe de plusieurs gŽnŽrations, d'un
anti-idŽalisme volontaire. Ont disparu, sur la gauche, le pre et la fille. La
composition montre ouvertement la discorde qui Žcarte les personnages les uns
des autres, affichant ainsi les perturbations que la vie moderne inflige ˆ la
vie familiale.
JEAN-FRANCOIS
MILLET (1814-1875)
Millet a peint nombre de
scnes familiales, axŽes sur l'idŽe du futur plus que du passŽ. Les personnages
ne sont jamais vieux et l'on ne voit que rarement des grands-parents. La
cellule familiale pour lui, comme pour beaucoup d'autres artistes, se rŽduit ˆ
un couple jeune et vigoureux avec un ou deux enfants.
Le
greffeur, 1855
AllŽgorie de
la continuitŽ et du renouveau. Le jeune homme greffe la branche d'un pommier
jeune sur un vieux tronc. En arrire des protagonistes, une ferme d'apparence
prospre avec des arbres en espalier et des ruches. De multiples allusions au
r™le rŽdempteur du travail de la famille.
La
prŽcaution maternelle
La
becquŽe
ISRAELS JOZEF (1824-1911)
Impressionniste
nŽerlandais, pre du peintre Isaac Lazarius Isra‘ls. NŽ ˆ Groningue et mort ˆ
La Haye.
Le repas frugal, exposŽ en 1876
La scne la plus frŽquemment reprŽsentŽe car chargŽe de sens
symbolique est celle du repas de famille. Jozef Isra‘ls a souvent utilisŽ le sujet, et
cette toile est l'une de ses Ïuvres les plus cŽlbres. Une famille paysanne
idŽale (pre, mre et 3 enfants), dans un intŽrieur simple, "frugal"
mais convenable et propre, malgrŽ la prŽsence d'une poule.
VAN GOGH
Mangeurs
de pommes de terre 1885
Van Gogh
transforme un repas ordinaire en un rituel obscur, prŽsidŽ par la jeune fille
dont le visage est cachŽ. Le sens est Žvidemment religieux: la composition
Žvoque la Cne, une crucifixion appara”t sur le mur, et pour Van Gogh, les
pommes de terre et la soupe de cŽrŽales ont des analogies avec le corps et le
sang du Christ.
d'ap Millet
Les premiers pas
- La religion
4e
des grandes "vertus paysannes", la religion a ŽtŽ un sujet de choix
pour les peintres. Leurs Ïuvres se regroupent de deux manires: le rituel
religieux (folklorique), qui donne lieu ˆ des mises en scne dans la lignŽe de
la peinture d'histoire; la description de la piŽtŽ comme Žmanation naturelle,
sans rŽfŽrence aux rites ecclŽsiastiques, qui prolifre dans la 2e
partie du sicle.
FRITZ VON
UHDE (1848-1911)
Aprs
avoir commencŽ des Žtudes ˆ l'AcadŽmie de Dresde, Uhde fait une carrire
militaire (1867/1877). De 1877 ˆ 1879, il rŽside ˆ Munich et se consacre ˆ la
peinture. En 1879-80, il travaille ˆ Paris chez le peintre hongrois Munk‡csy et
expose ensuite rŽgulirement au Salon. Il se fixe ensuite ˆ Munich.
Ses
sujets de prŽdilection sont des tableaux de genre ou des scnes bibliques
transposŽes dans l'ambiance rŽaliste et sentimentale de son Žpoque, comme le Christ
chez les paysans (1887). Un peu
misŽrabiliste, son art montre la condition des pauvres et cŽlbre la grandeur
du labeur des champs; son art peut se rapprocher de celui de Lhermitte ou de
Cazin en France, y compris par la technique claire, lŽgre et pochŽe. Dans ses
Ïuvres tardives, Uhde est influencŽ par l'Impressionnisme.
Christ
chez les paysans
Dans ce tableau de 1887-1888, Uhde met en image le bŽnŽdicitŽ, la
prire qui prŽcde les repas. Si le Christ est reconnaissable ˆ son aurŽole, sa
barbe et sa longue robe, il est surtout trs proche des paysans. Il appara”t
comme un humain solidaire des pauvres, le "vrai peuple de Dieu". Uhde
participe ainsi du protestantisme libŽral de son sicle, marquŽ par une
Žvolution vers une pratique morale, et non plus mystique, de la religion.
Comme dans L'angŽlus de Millet, c'est le personnage fŽminin qui exprime la plus grande
ferveur. La mre se penche vers le Christ, les yeux levŽs vers lui, tandis que
les hommes ont simplement la tte baissŽe, dans un geste traditionnel de
recueillement. Il s'agit d'un stŽrŽotype assez rŽpandu ˆ l'Žpoque puisque l'on
considre que c'est avant tout par l'intermŽdiaire des femmes que se
maintiennent les traditions religieuses, en particulier dans les campagnes.
LEON
LHERMITTE, Le christ chez les pauvres, 1905
ISRAELS JOZEF (1824-1911)
Leur
pain quotidien, 1864
JEAN-FRANCOIS
MILLET (1814-1875)
L'angŽlus,
1857-59
COURBET
(1809-1877)
Enterrement
ˆ Ornans, 1849
FERDINAND-GEORG
WALDMULLER
La
moisson, 1846
3 gŽnŽrations
d'une famille de paysans moissonnent devant un sanctuaire. Sont mis en exergue
leur diligence, leur union, et la foi qui les protgera de l'orage montant.
LEOPOLD
ROBERT Paysans au bord de la route
DAGNAN-BOUVERET
Pardon en Bretagne
BRETON
JULES
BŽnŽdiction
des blŽs en Artois, 1857
"La
civilisation moderne n'a pas eu le temps d'enlaidir la simple silhouette d'un
village agglomŽrŽ autour du clocher tranquille, au milieu d'une mer de blŽsÉ
Les voilˆ ces paysans qui m'ont souri dans mon enfance. Ils vont, la tte un
peu penchŽe, le pas tra”nard, murmurant des psaumesÉils vont, paisibles et
endimanchŽs, sur ce chemin qui a bu leur sueur et qui, ˆ ce soleil en fte,
semble aussi changer avec ses mille fleurettes ŽpanouiesÉ ils vont n'implorant
pour leur chaumire que le bonheur sans bruit, que le pain quotidien dans le
travail, la santŽ et l'honneur. Il vont remerciant la Providence dont ils
suivent pieusement l'image, cet ostensoir qui rayonne dans le rayonnement du
soleil." (Jules Breton)
GAUGUIN
La
vision aprs le sermon ou Jacob et l'ange, 1888
RŽunit la
vision, le prtre et les paroissiennes. Notons l'influence de l'art japonais,
sensible dans le tronc d'arbre barrant en biais la surface, et dans les deux
lutteurs repris directement d'une manga d'Hokusai.
JULES
BASTIEN-LEPAGE (1848-1884)
Jeanne
d'Arc, 1879
Une Jeanne
paysanne, et attentive aux voix cŽlestes.
- Le Patriotisme
Dans
l'ensemble de l'Europe, rares sont les tableaux qui illustrent les valeurs nationales
de la paysannerie, l'accent Žtant mis davantage sur des fonctions rŽgionales.
Nombre d'Ïuvres mettent l'accent sur le lieu exact de la scne, faisant du
paysan l'homme d'une rŽgion plus que celui d'une nation, et un glissement
s'effectue de l'image du paysan reprŽsentant de l'humanitŽ ˆ celle de son attachement ˆ son
propre terroir.
AUGUSTE
HERLIN (1815-1900) Battage de colza dans la plaine de Lille, 1861
Cependant, gŽnŽralement, la rŽgion reste fragment de la nation, et
l'identitŽ rŽgionale est conue dans le cadre gŽnŽral de la patrie. Cadre dans
lequel se situent les images du paysan soldat. Depuis longtemps, les armŽes
sont dirigŽes par les classes supŽrieures et les troupes constituŽes de gens du
peuple, en particulier de paysans, dont on va exalter les valeurs morales et
physiques. Si quelques images montrent les mŽfaits de la guerre, elles passent
inaperues face au grand nombre de celles qui montrent le dŽpart et le retour
du conscrit comme des Žvnements heureux, voire glorieux.
PETER KRAFFT (1780-1856)
Johann
Peter Krafft, peintre autrichien. A 10 ans, il commence ses Žtudes artistiques
ˆ l'Hanau Akademie. En 1799, il va ˆ Vienne ˆ l'AcadŽmie des beaux-arts pour 3
ans, puis, de 1802ˆ 1808, Žtudie ˆ Paris avec David et Franois GŽrard.A son retour
ˆ Vienne, il devient un peintre ˆ succs, obtient de nombreuses commandes de
portraits, et deviendra en 1828 directeur de la Galerie de peinture Royale et
ImpŽriale du BelvŽdre.
Le dŽpart du conscrit
Le retour du conscrit, 1820
2 tableaux peints en pendants. Le style, nŽo-classique, renvoie ˆ de
nobles vertus. La littŽrature allemande abonde en descriptions de paysans
virils et forts, bons soldats, bons dŽfenseurs de la patrie.
FERDINAND WALDMULLER
Le dŽpart du conscrit, 1858.
Plus rŽaliste, l'Ïuvre n'en met pas moins en scne un paysan jeune
et beau, et laisse imaginer un heureux retour.
C- PAYSAN & MONDE MODERNE
Pour
la plupart des artistes et Žcrivains du XIXe, le monde du paysan se situe hors
des contraintes de son Žpoque. Mais ce monde va Žgalement se transformer, et
les paysans connaissent vite des mutations semblables ˆ celles des citadins:
difficultŽs pŽcuniaires, amŽliorations gr‰ce ˆ la machine, etc. Certains,
propriŽtaires de leurs terres, peuvent amŽliorer leur pouvoir d'achat; beaucoup
sont enr™lŽs dans l'armŽe. En outre les moyens de dŽplacement (chemin de fer,
canaux) intgrent de plus en plus la campagne dans un ensemble gŽographique
plus Žtendu.
- La condition sociale
L'idŽalisation
inhŽrente ˆ la reprŽsentation de valeurs morales, mme dans l'observation la
plus honnte, voile la rŽalitŽ de la condition du travailleur rural. L'afflux
vers les villes, la puissance industrielle montante, la machine de plus en plus
nŽcessaire (et cožteuse) mettent en cause la stabilitŽ du monde paysan. Chez
les petits propriŽtaires, la transmission du patrimoine aux enfants se fait
alŽatoire, tandis que la plupart des autres vivent dans des conditions
misŽrables, parvenant ˆ peine ˆ vivre de leurs cultures. Les grandes
exploitations, paralllement, exploitent les journaliers. Bref, le monde rural
est en chute, mais rares sont les peintres qui osent traiter du problme et le
reprŽsenter.
JULES BRETON Le
chant de l'alouette, 1884
MIHALY VON MUNKACSY (1844-1900) alias Michel von Lieb.
Peintre
rŽaliste Hongrois.
Il
expose au salon de Paris en 1870 , ville qu'il vient habiter en 1872. Il jouit,
ˆ l'Žpoque, d'une grande notoriŽtŽ. Ses
Ïuvres historiques, religieuses, et peintures de genre, font de lui l'un des
ma”tres de la peinture hongroise du XIXe sicle.
La ramasseuse de fagots, 1873
La peinture Žvite l'Žvocation des relations harmonieuses entre
l'homme et la nature. Le paysage est rŽduit ˆ quelques troncs vaguement
inquiŽtants, verticales dressŽes qui soulignent en s'y opposant la ligne
oblique du fagot et le dos flŽchi de la jeune femme, dont tout dŽnonce la
pauvretŽ. Et donc, les distinctions de classe et le droit de propriŽtŽ, le
droit de ramassage du bois procŽdant, comme le glanage, de la gŽnŽrositŽ des
possŽdants.
LEON LHERMITTE La
paye des moissonneurs, 1882
PrŽsentŽe ˆ l'exposition universelle de 1889, la toile montre des
journaliers attendant leur salaire dans la cour d'une ferme prospre. Prs
d'eux, les gerbes de blŽ, fruit de leur travail, qui ne leur appartiennent pas.
L'Ïuvre met le doigt sur la question des rapports entre travail manuel et
propriŽtŽ privŽe, problme qui dans les annŽes 1840 se trouve au cÏur du dŽbat
politique entre Proudhon et Thiers. La prŽsentation, en outre, de ces paysans
comme des travailleurs les inclut dans la vaste classe de ces derniers.
ANGELO MORBELLI (1853-1919)
Peint
d'abord des scnes reprŽsentant des paysans et des ouvriers. Ensuite il
pratiquera une forme de symbolisme, puis adhre au Futurisme.
ƒlve
de Bertini et de Casnedi ˆ l'AcadŽmie Brera de Milan (1869-1876), Morbelli
s'intŽresse rapidement ˆ l'esthŽtique des impressionnistes et, comme eux, tente
avec quelques-uns de ses camarades qui partagent ses gožts picturaux (Previati,
Segantini, Grubicy) d'organiser un Salon des refusŽs. Il expose en France et en
Angleterre, ds 1882-1884, des Ïuvres d'une technique divisionniste qui traduisent une constante
mŽlancolie.
Pour 80 centimes, 1896
Le titre de l'Ïuvre affiche et souligne ce qui, dans l'image, est
sensible mais non explicitŽ, ˆ savoir que l'on s'Žpuise pour un salaire de
misre.
Rizires
GIUSEPPE DE SANTIS, Riz amer, 1949
- Rapports de classe
Tout
au long du XIXe, le paysan est isolŽ de l'ensemble de la sociŽtŽ. Pas de
mŽlange entre lui et les autres classes dans les peintures de genre paysan. On
ne l'Žtudie que dans les rapports ma”tre/serviteur.
WILHELM VON KOBELL (1766-1853)
Cavalier et 2 jeunes filles, 1829
L'artiste a peint nombre de petites scnes de paysans des environs
de Munich. Celle-ci montre deux jeunes filles en conversation avec un bourgeois
ˆ cheval: la rencontre suppose un rapprochement entre les 2 classes, mais ˆ
l'Žvidence illusoire.
COURBET Jeunes filles de village
Mme type de sujet chez Courbet, o les diffŽrences de classes sont
marquŽes dans les costumes et les attitudes.
EMILE BERNARD, Bretonnes dans une prairie verte, 1888
A la fin des annŽes 1880, Bernard peint des Ïuvres o le rapport de
classe s'affirme dans toute sa complexitŽ. Celle-ci tente de mettre en harmonie
les diffŽrents groupes de la composition, mais il est clair que les sŽparations
restent de mise: les bourgeoises, au fond, devisent entre elles, les paysannes
Žgalement. Ajoutons que les hommes et les enfants sont aussi isolŽs, de mme
que les chiens. Dans le groupe d'artistes rŽunis autour de Gauguin, on montre
l'Žcart plus que la similitude.
CAUGUIN Bonjour Monsieur Gauguin
A l'Žvidence, malgrŽ la civilitŽ du "bonjour", les mondes
des deux protagonistes ne sont pas les mmes.
ERMANNO OLMI, l'Arbre aux sabots 1978
Quatre
familles vivent dans une grande ferme dans la plaine du pays bergamasque, entre
l'automne 1897 et l'ŽtŽ 1898, partageant joies et peines de tous les jours. Une
ferveur muette soude tous les membres de cette communautŽ dont la vie s'Žcoule
au rythme des saisons, des travaux des champs, des veillŽes et des rosaires, du
cochon qu'on tue ˆ No‘l et des ftes de printemps au village. Tous sont soumis
ˆ l'autoritŽ du Ma”tre, ˆ qui tout appartient, ˆ qui reviennent les deux tiers
de la moisson. Chez les Batisti,
le petit Minek est le seul ˆ aller ˆ l'Žcole, parce que le curŽ les a
convaincus qu'il le fallaitÉ Un jour, Minek rentre avec un sabot cassŽ, et son
pre travaillera toute la nuit en cachette pour lui en tailler un dans le bois
d'un arbre appartenant au Ma”tre. Lorsque l'intendant s'en aperoit, les
Batisti sont chassŽs de la ferme. Derrire leurs fentres, leurs compagnons les
regardent, atterrŽs, s'enfoncer dans la nuit.
BILLE
AUGUST, Pelle le conquŽrant (Pelle erobreren) 1987
Film danois rŽalisŽ par
Bille August, sorti en 1987 et basŽ sur le roman du mme nom publiŽ par le
Danois Martin Andersen Nex¿ en 1910. Oscar du meilleur film Žtranger en 1989,
Palme d'Or au festival de Cannes 1988 et Golden Globe du meilleur film Žtranger
en 1989.
Au XIXe sicle, un jeune
garon et son vieux pre Žmigrent de la Sude vers le Danemark, espŽrant y
faire fortune... Le pre, Lassefar, promet ˆ son fils de quoi manger ˆ leur
faim ds qu'ils auront atteint le Danemark. Mais ils sont confrontŽs ˆ une
rŽalitŽ bien diffŽrente. Le vieil homme et le jeune garon se voient refuser
tout travail ˆ la ferme, et sont mis ˆ l'Žcart par de mŽprisant fermiers. La
situation qu'ils parviennent finalement ˆ arranger n'est pas meilleure que la
maigre existence qu'ils ont connue en Sude. FrappŽs par cette dŽception, ils n'ont
cependant pas d'autre choix que d'essayer de survivre d'une manire ou d'une
autre...
- La
rŽbellion: conscience politique
La rŽvolte du paysan est
plus frŽquemment ŽvoquŽe en littŽrature qu'en peinture. Cependant ici et lˆ
apparaissent des Ïuvres qui, si elles ne sont pas ˆ proprement parler des dŽfis
ˆ la bourgeoisie, sont tout du moins des manifestations de la solidaritŽ
paysanne. SolidaritŽ contre l'ordre Žtabli, ou solidaritŽ collective en faveur
d'une cause.
ALBERT
BETTANIER
A
Gravelotte, lithographie, 1883
Un groupe de
moissonneurs cache ˆ la police un fugitif. La crainte de l'autoritŽ policire
est une signe distinctif de la classe paysanne dans le 2e moitiŽ du
XIXe.
FRANZ VON
DEFREGGER (1836-1921)
Peintre
originaire du Tyrol oriental, connu ˆ l'Žchelle internationale. Son pre lui
lŽgua une grande ferme qu'il vendit aussit™t avec l'intention d'Žmigrer en
AmŽrique. Mais, au lieu d'Žmigrer il prit des cours de dessin ˆ Innsbruck et ˆ
Munich. Ce ma”tre de la peinture de genre fut anobli pour son tableau Speckbacher
und sein Sohn Anderl (Speckbacher et son fils Anderl), peint ˆ l'occasion des noces d'argent de
l'empereur Franois-Joseph et de l'impŽratrice Sissi. Dans son oeuvre, il a
crŽŽ une vision du Tyrol, qui influencera jusqu'ˆ nos jours la manire dont sa
rŽgion est perue dans le monde.
Les
dernires rŽserves
Cette
esquisse, destinŽe ˆ un tableau exŽcutŽ en 1874 et aujourd'hui exposŽ au musŽe
de Vienne, reprŽsente la dernire phase, en 1809, de la guerre d'indŽpendance
du Tyrol contre l'occupation franaise. L'originalitŽ est qu'il s'agit d'un
groupe de villageois organisŽs ensemble pour dŽfendre une cause collective.
PELIZZA DA
VOLPEDO (1868-1907)
Fils
d'agriculteurs, il frŽquente l'Žcole technique de Castelnuovo Scrivia o il
apprend les rudiments du dessin, puis entre ˆ l'acadŽmie de Brera, va ˆ Rome
parfaire sa formation, puis ˆ Florence. Ë la fin de l'annŽe acadŽmique, il
retourne ˆ Volpedo, dans le but de se consacrer ˆ l'Žtude de la nature.
Perfectionniste, il va suivre ˆ Bergame les cours privŽs de Cesare Tallone. Il
abandonne peu ˆ peu la peinture en p‰te pour adopter la technique du
divisionnisme, pour enfin se tourner vers le courant social. En 1901, il
termine le tableau Il Quarto Stato (Le Quatrime ƒtat), auquel il avait consacrŽ dix annŽes de
travail, et l'expose en 1902 ˆ la Quadriennale de Turin, o il dŽclenche des
polŽmiques. Enfin, en 1906, viendra la reconnaissance du milieu artistique et
littŽraire.
Gr‰ce ˆ la
diffusion toujours plus grande de ses Ïuvres lors d'expositions nationales et
internationales, il est appelŽ ˆ Rome, o il rŽussit ˆ vendre ses Ïuvres, dont
une ˆ l'ƒtat italien, Il sole (le Soleil), destinŽ ˆ la Galerie d'Art Moderne.
Mais aprs
la mort soudaine de son Žpouse, en 1907, il sombre dans une dŽpression et le 14 juin, ˆ moins de 40 ans, il se
suicide.
Le 4e
Žtat, 1901
Pelizza
Žlimine les dŽtails au profit d'une collectivitŽ soudŽe d'ouvriers agricoles
avanant pour demander justice. Le tableau est conu non comme la
reprŽsentation particulire de Volpedo, non plus de l'Italie, mais comme la
paysannerie en gŽnŽral du monde moderne. Dernire grande composition dans la
tradition de la peinture d'histoire, le tableau est ˆ peine remarquŽ lors de
son exposition ˆ Turin (1901) puis ˆ Rome (1907). Pour les peintres du dŽbut du
XXe sicle, c'est la machine, l'ouvrier, la ville, qui vont devenir les sujets
privilŽgiŽs.