REGARDS SUR LA PAYSANNERIE

 

L'image du paysan dans l'art a ŽvoluŽ en fonction des mentalitŽs. Toujours reprŽsentŽ, mais sous des formes variables, dans des Ïuvres dont le r™le est gŽnŽralement de valoriser et ennoblir une fonction. Au XIXe sicle, les reprŽsentations vont s'en faire de plus en plus nombreuses et de plus en plus "engagŽes", ˆ une Žpoque o l'industrialisation conduit ˆ la dŽsertification des campagnes. Alors se pose de manire plus crue la rŽalitŽ du travail de la terre et s'instaure une rŽflexion sur "le geste auguste du semeur".

 

RAPPEL HISTORIQUE

1- MOYEN AGE

Dans la sociŽtŽ mŽdiŽvale, les paysans constituent 90% de la population et le travail de la terre est le fondement de l'Žconomie. Dans l'iconographie, c'est le calendrier qui Žvoquera leurs travaux ŽgrenŽs tout au long de l'annŽe, en rachat du pŽchŽ originel. Mais dans les miniatures, il semble qu'il n'y ait jamais souffrance ni effort, et ce n'est que trs exceptionnellement qu'est montrŽe la misre des paysans comme dans cet exemple rarissime:

MANUEL THEOLOGIQUE, 3e quart du XVe

MISSEL ROMAIN dit de Boniface VIII, fin XIIIe

Gaulage des olives: la culture des olives est presque exclusivement reprŽsentŽe en Italie.

MIRACLES DE NOTRE-DAME (1270-1280)

- Novembre, la glandŽe.

- DŽcembre: le paysan assomme le porc du dos de sa hache avant de l'Žgorger.

HEURES A L'USAGE DE ROME, vers 1510-1525

- DŽcembre: le porc tient une place importante. Seul animal ŽlevŽ ˆ des fins alimentaires, facile ˆ nourrir, il fournit l'essentiel de la viande consommŽe, d'autant que sa chair est facile ˆ conserver, et sa graisse utilisŽe pour cuisiner. Le mois de l'abattage est gŽnŽralement dŽcembre, et les techniques en sont diffŽrentes selon les rŽgions. La miniature ci-dessus illustre celle que l'on utilise dans les Flandres. L'homme, agenouillŽ sur le flanc de l'animal, dŽgage l'emplacement du cÏur et lui porte le coup mortel, avant que de le saigner. La paysanne, avec sa pole, recueille le sang. La sociŽtŽ dŽcrite ici est encore mŽdiŽvale, mais les moyens utilisŽs pour le faire situent l'image dans le cadre artistique de la Renaissance. Espace perspectif (cf. les b‰timents et le raccourci des visages), Žclairage naturel, attŽnuation des tons vers l'horizon, volumes suggŽrŽs par les dŽgradŽs du clair-obscur.

- Aožt: La moisson ˆ la sape. Le picot sert ˆ rŽunir et redresser les Žpis.

LES TRéS RICHES HEURES DU DUC DE BERRY (Ch‰teau de Chantilly)

Le Duc de Berry commande en 1410 ce Manuscrit., commencŽ par Pol Malouel appelŽ Pol de Limbourg, du nom de son lieu de naissance, interrompu en 1416 sur les ordres de Charles 1er Duc de Savoie, repris et terminŽ en 1485 par Jean Colombe. Hors les mois de janvier (Le Duc de Berry ˆ table), avril (Le ch‰teau de Dourdan), mai (Tours et remparts de Riom), dŽcembre (Le ch‰teau de Vincennes) rŽservŽs aux festivitŽs de la cour, les autres mois sont consacrŽs aux travaux des champs accompagnant les saisons:

FŽvrier. ‑ Village sous la neige. Dans la salle d'une ferme, 3 personnages se chauffent en se retroussant devant la cheminŽe. A c™tŽ, les moutons se serrent dans la bergerie. Au dehors, des pies picorent du grain, un homme emmitouflŽ rentre ˆ la ferme, un bžcheron abat un arbre et un paysan, sur la route, pousse son ‰ne vers le village.

Mars. ‑ Le ch‰teau de Lusignan. Au premier plan, un laboureur, et sur les pentes de la colline, des paysans rŽcoltent, taillent la vigne ou gardent les moutons.Au-dessus de la tour du ch‰teau, le dragon Žvoque MŽlusine, la fŽe qui avait ŽpousŽ le comte de Poitou Raymondi.

Juin. ‑ Paris, Palais, Sainte‑Chapelle. Des paysans fauchent et fanent: les femmes portent sur la tte un voile qui les prŽserve du soleil, les hommes sont en chemise. La vue est prise de l'h™tel de Nesles, demeure de Jean de Berry, sur la rive gauche de la Seine, devant la pointe de la CitŽ. Par-delˆ le mur qui borde le fleuve, on aperoit la faade du palais et derrire, les tours de la Conciergerie et de l'Horloge et au milieu, la tour de Montgommery et la Sainte Chapelle.

Juillet. ‑ Le ch‰teau de Poitiers. La tonte des moutons et la moisson, au pied du ch‰teau de Poitiers, au confluent du Clain et de la Boivre.

Aožt. ‑ Le ch‰teau d'ƒtampes. Des cavaliers partent pour la chasse au faucon. A l'arrire-plan, des jeunes gens se baignent et des paysans moissonnent.

Septembre. ‑ Le ch‰teau de Saumur. Les vendanges.

NB- les personnages du 1r plan, dessinŽs avec le reste ˆ l'Žpoque de Jean de Berry, ont ŽtŽ peints par Jean Colombe, dans un style plus sec, moins enveloppŽ que celui des Limbourg.

Octobre. ‑ Le Louvre de Charles V. Les semailles, sur la rive gauche de la Seine. Au 1r plan, pies et corbeaux picorent; un sac de grains et un tonnelet ont ŽtŽ posŽs prs du fossŽ; En bordure de la rivire, un Žpouvantail brandit un arc. La vue, comme pour le mois de juin, est prise de l'h™tel de Nesle.

Novembre. ‑ La glandŽe. Un homme abat les glands avec un b‰ton pour nourrir ses porcs. La peinture est de Jean Colombe.

 

2- RENAISSANCE

Peinture de Genre (1599 - 1780)

La peinture de genre  figure des scnes contemporaines et prises sur le vif, scnes de la vie quotidienne du peuple, des scnes familires, de travail, de jeux, ainsi que des rŽcits anecdotiques. PortŽe ˆ un point de perfection au XVIIe sicle par Caravage, c'est un genre trs apprŽciŽ dans les pays du Nord.

- Avant la Renaissance

Certains historiens d'art considrent les peintures Žgyptiennes reprŽsentant les travaux des champs, les banquets, etc. comme de la peinture de genre. De mme, dans les vases grecs ou Žtrusques, on peut trouver parfois des scnes de marchŽ ou de chasse qui s'apparentent ˆ des scnes de genre, tout comme certaines mosa•ques et peintures romaines.

- Avec le Moyen åge, qui produit essentiellement un art ˆ vocation religieuse, la scne de genre dispara”t. C'est avec Van Eyck et les primitifs flamands qu'elle devient une reprŽsentation courante, et ce sont surtout les Žcoles du nord qui la pratiqueront

- La Renaissance

Avec le retrait progressif de la religion des arts, la scne de genre commence ˆ se dŽvelopper, en particulier dans les Flandres., mme si gŽnŽralement elle doit se lire de manire symbolique.

JŽr™me Bosch et Bruegel l'Ancien n'hŽsiteront pas ˆ l'exploiter pour illustrer des proverbes et des histoires (aujourd'hui souvent perdus) qui donnent une nuance  "la•que" ˆ l'Ïuvre religieuse.

En Italie comme en France, ce thme est beaucoup moins bien peru, malgrŽ des femmes au bain frŽquentes dans l'Žcole de Fontainebleau, mais qui se rattachent le plus souvent ˆ la peinture mythologique ou ˆ la peinture d'histoire, plus qu'ˆ la scne de genre proprement dite.

ECOLE DE FONTAINEBLEAU, batteurs de blŽ́ 1560-65

ECOLE DE FONTAINEBLEAU, moissonneurs 1560/65

A c™tŽ des sujets mythologiques essentiels pour le dŽveloppement du paysage classique en France, Niccolo dell Abbate a peint des sujets plus familiers, que l'on voit appara”tre au fond de ses dessins, et mentionnŽs dans l'inventaire que fit Lebrun des collections royales. Les deux paysages ci-dessus, simples vues de campagne avec des travaux des champs, se rattachent ˆ cette veine. AttribuŽs tout d'abord ˆ Niccolo lui-mme, on les pense plut™t (Sylvie BŽguin) dus ˆ son entourage, peut-tre ˆ son fils a”nŽ Giulio Camillo. 

Pieter I BRUEGEL (BRUEGHEL), dit l'Ancien ou le Vieux

Breda ?, 1525/1530 - Bruxelles, 1569

Aprs un voyage en Italie, Bruegel revient probablement chez lui au printemps 1554, en passant par le territoire actuel de la Suisse et de l'Autriche. Aprs son mariage avec Mayken Coecke, il s'installe ˆ Bruxelles (1563). Ses premires oeuvres reprŽsentent des bords de mer et des paysages de montagnes, influencŽs par la peinture de paysages de J. Patinier et peut-tre par l'essor de la littŽrature gŽographique, dont les ouvrages Žtaient souvent illustrŽs de vues panoramiques ˆ vol d'oiseau, vues qui sont particulirement caractŽristiques du traitement de l'espace chez Bruegel. Les annŽes 1559 et 1560 voient na”tre un intŽrt nouveau pour certains groupes sociaux (les petites gens, les enfants), certaines traditions (le carnaval, le carme) et certaines particularitŽs linguistiques (les proverbes, sujet de prŽoccupation privilŽgiŽ des humanistes). En mme temps, ces tableaux, en tant qu'objets de luxe, soulignent la diffŽrence de statut social qui sŽpare le dŽtenteur de l'Ïuvre et les personnages reprŽsentŽs, pour un public sans doute cultivŽ, de formation humaniste. Ensuite viennent les thmes de la mort, de l'enfer, de la dŽcadence et du pŽchŽ, ou Bruegel s'inspire du vocabulaire diabolique de JŽr™me Bosch. Puis il revient au paysage, dans la sŽrie des "Mois" (1565). Cinq panneaux en ont ŽtŽ conservŽs : Les chasseurs dans la neige, La journŽe sombre, La fenaison, La moisson et La rentrŽe des troupeaux. On suppose qu'il en existait six ˆ l'origine, dont chacun reprŽsentait les activitŽs propres ˆ deux mois de l'annŽe, ˆ travers elles, l'Žvolution du paysage au cours des saisons.

Fenaison

JournŽe sombre, 1565

Moisson, 1565

RentrŽe des troupeaux, 1565

Danse de paysans, 1568

 

3- XVIIe SIECLE

Antoine, Louis et Mathieu LE NAIN

Ils sont nŽs tous les trois ˆ Laon: Mathieu en 1607, Antoine et Louis, respectivement en 1588 et 1593 selon certains historiens, juste avant et juste aprs 1600 selon d'autres. En 1630 ils vivaient tous les trois ˆ Paris. Ils sont gŽnŽralement dŽsignŽs comme les frres Le Nain, ˆ cause de la similitude entre leurs styles de peinture et de la difficultŽ ˆ diffŽrencier leurs Ïuvres (ils signaient tous leurs toiles avec leur seul nom de famille et certaines devaient tre des Ïuvres communes). Louis est habituellement crŽditŽ de leurs peintures les plus cŽlbres, une sŽrie de scnes dŽcrivant la vie paysanne. Les frres ont aussi rŽalisŽ des miniatures (pour la plupart attribuŽes ˆ Antoine) et des portraits (attribuŽs ˆ Mathieu). Antoine et Louis meurent en 1648. Mathieu en 1677.

Famille de paysans

La moisson

GEORGES DE LA TOUR, Saint Joseph charpentier

RUBENS, Kermesse

 

4- XVIIIe SIéCLE

Les Pastorales

La mode des Pastorales occupe une place importante au XVIIIe sicle. Elle puise son inspiration dans un retour ˆ lÕAge dÕor, emprunt de valeurs simples, belles, amoureuses et baignŽes de fantaisies. Une vŽritable philosophie imprgne ces Žcrits. A travers la mode pastorale, les Žcrivains, comme les autres artistes et personnes qui sÕy intŽressent, Žpanchent leur connaissance de la beautŽ classique de lÕAntiquitŽ, empreinte de poŽsie courtoise et toute entire dŽvolue ˆ lÕ‰me sensible dÕune terre de tous les possibles et de toutes les richesses.

BOUCHER

Pastorale

Le repos des fermiers

L'idylle du berger

Couple d'amoureux

LOUIS JOSEPH WATTEAU DIT WATTEAU DE LILLE (1731-1798),

petit-neveu de Jean-Antoine Watteau, le peintre des ftes galantes. Lui et sont fils seront appelŽs les "Watteau de Lille". Son r™le a ŽtŽ dŽterminant pour le futur musŽe lillois des beaux-arts qui sera inaugurŽ en 1803, par la rŽalisation du premier inventaire des tableaux confisquŽs ˆ la RŽvolution.

Les 4 heures du jour le matin

Les 4 heures du jour midi, la mŽridienne

Les 4 heures du jour vesprŽes ou l'orage

Les 4 heures de la journŽe le soir

 

5- XIXe SIECLE

Guy de Maupassant commente: "Chaque fois que je retourne au Salon, un Žtonnement me saisit devant les paysanneries. Et ils sont innombrables aujourd'hui, les paysans. Ils ont remplacŽ les VŽnus et les Amours, que seul M. Bourguereau continue ˆ prŽparer avec de la crme rose. Ils bchent, ils sment, ils labourent, ils hersent, ils fauchent, les jolis paysans peints." En effet, la figure du paysan prend de plus en plus d'importance, et ce dans l'Europe entire. Pour, sans doute, deux raisons: d'une part la nŽcessitŽ pour les artistes de renouveler les sujets de la reprŽsentation,  d'autre part la dŽsertification progressive des campagnes au profit des villes, due ˆ l'industrialisation. La pŽriode fera donc l'objet d'une Žtude plus approfondie.

 

LES REPRESENTATIONS PAYSANNES AU XIXE SIECLE

 

I- EVOLUTION

 

A- LA TRADITION CLASSIQUE

- Vers 1820, trouver un sujet est un problme pour les artistes: le rŽpertoire classique est ŽpuisŽ. Pour Robert qui est en Italie, il s'agira de s'Žloigner des grands thmes historiques pour peindre la beautŽ des humbles, descendants des romains antiques. "J'ai voulu choisir un genre qu'on ne connut pas encore, et ce genre a pluÉ Lorsque j'arrivai, je fus frappŽ de ces figures italiennes, de leurs mÏurs et usages remarquables, de leurs vtements pittoresques et sauvages."

 

LEOPOLD ROBERT (1794-1835)

Neuch‰telois de famille modeste, il part pour Paris en 1810 o il suit une formation de graveur, puis entre 1812 dans l'atelier de Jacques-Louis David.

Ë la chute de l'Empire, la PrincipautŽ de Neuch‰tel redevient prussienne et LŽopold Robert perd sa nationalitŽ franaise. De retour ˆ La Chaux-de-Fonds il peint de nombreux portraits qui contribuent ˆ sa renommŽe dans la bourgeoisie neuch‰teloise. Gr‰ce ˆ un mŽcne (F. Roulet de MŽzerac), il pourra poursuivre ses Žtudes ˆ Rome, et ses scnes italiennes en costumes attirent ˆ lui la clientle d'une Žlite. En 1825, il frŽquente le salon de Mme RŽcamier, voyage ˆ Naples et dans diffŽrentes rŽgions italiennes. Le retour du plerinage de la Madone de l'Arc remporte un grand succs au Salon de Paris de 1827. En 1829 il retourne en Italie, dans les marais Pontins notamment. En 1831, nouveau triomphe au Salon de Paris: ArrivŽe des moissonneurs dans les marais Pontins. Suite aux troubles de 1832 dans les ƒtats pontificaux, il quitte Rome, s'installe ˆ Venise, entreprend sa dernire composition monumentale, Le dŽpart des pcheurs de l'Adriatique. Son tableau ˆ peine achevŽ, il sombre dans un profond Žtat dŽpressif et se suicide.

Retour de  plerinage ˆ la Madone de l'Arc, 1827

ArrivŽe (retour?) des moissonneurs dans les marais pontins, 1830

 

- Le Salon de 1831 marque l'apogŽe d'une peinture de genre paysan. Or les Ïuvres n'apprennent pas grand'chose sur la vie des paysans: ce qui prime ce sont les costumes et les physionomies (empruntŽes aux plus beaux brigands italiens), des images classiques idŽalisŽes, images festives bien ŽloignŽes de la rŽalitŽ, la population rurale italienne Žtant la plus pauvre d'Europe. L'afflux ˆ Rome d'artistes de toutes nationalitŽs conduira un style classique et bien-pensant de paysans "hors du temps", affichant la puretŽ de leurs traits et leurs vtements chatoyants dans des paysages idylliques dignes des paradis antiques de Virgile.

 

WILLIAM BOUGUEREAU (1825-1905)

Fils d'un nŽgociant en vins de Bordeaux, il apprend le dessin ˆ l'Žcole municipale de dessins et de peintures de Bordeaux. En 1846, il entre aux Beaux-arts de Paris dans l'atelier de Franois-ƒdouard Picot, remporte le second prix de Rome, puis le Premier Prix en 1850. En 1866, le marchand de tableaux Paul Durand-Ruel lui donne accs ˆ une clientle privŽe; son succs est Žnorme auprs des acheteurs amŽricains. Professeur en 1888 ˆ l'ƒcole des beaux-arts et ˆ lÕAcadŽmie Julian de Paris, il expose tous les ans au Salon de Paris.

NB- Il usera de son influence pour permettre l'accs des femmes ˆ beaucoup d'institutions artistiques en France.

Bouguereau est le vŽritable hŽritier des images paysannes qui, dans les annŽes 1830, firent les succs des Salons. Le retour des moissons, de la mme veine que celui de Robert, est moins soucieux de vŽritŽ. Les costumes, comme ceux de Corot, sont "vaguement italiens", et rien ne prŽcise vraiment l'origine des personnages, gŽnŽralement prŽsentŽs au repos, dans un paysage classique, ŽlŽgiaque, sacrŽ et religieux, qui Žlve l'esprit.

Retour des moissons

 

CAMILLE COROT (1796-1875)

Pour Corot, la paysan italien est dans une contrŽe imaginaire. Aprs 1843, date de son dernier voyage, il peint une sŽrie de paysannes italiennes dont les costumes trs particuliers pourraient provenir de thމtres parisiens. Il Žvoque la paysanne italienne en gŽnŽral plus que les dŽtails (vtement, dŽcor, physionomie): rve d'Italie, ses paysannes indiffŽrentes et mŽlancoliques sont  plus proches de la poŽsie lyrique des auteurs franais du milieu du sicle que d'une quelconque rŽalitŽ.

Italienne assise

 

ERNEST HEBERT (1817-1908)

Dauphinois d'origine, cousin de Stendhal, Žlve des beaux-arts et prix de Rome, il s'installe ˆ Rome ˆ l'‰ge de 22 ans (1840-1844). Il peindra essentiellement la campagne romaine. Peintre officiel du Second Empire ˆ son retour en France, il sera directeur de la villa MŽdicis de 1867 ˆ 1873 et de 1885 ˆ 1891.

Les scnes paysannes d'HŽbert, bien qu'idŽalisŽes dans la forme, traitent avec franchise du problme. Il a rŽussi ˆ joindre rŽalitŽ et symbole et, contrairement ˆ Robert qui avait pris des brigands pour imager les paysans, il montre les brigands tels qu'en eux-mmes. Jusqu'ˆ lui, on croyait profondŽment au r™le progressiste et moralisateur de l'art, notions associŽes ˆ la civilisation classique, et personne n'avait vu la poŽsie de la mort qui rŽgnait dans l'Italie rurale. La malaria doit beaucoup au romantisme du dŽsespoir et de la misre de la gŽnŽration de 1830.

Les cervaroles ˆ la fontaine

2 femmes et un enfant de Cervara, village connu pour ses brigands.MalgrŽ les rŽfŽrences ˆ l'AntiquitŽ, les personnages ne sont plus les paysans joyeux et dŽvots de 1820/30, mais des personnages ŽpuisŽs, voire dŽsespŽrŽs.

La malaria, vers 1851

Une "barque des morts" vogue sur les marais qui entourent Rome. Ni vie ni Žnergie, mme dans la silhouette de l'homme qui guide le bateau, appuyŽ mollement sur sa perche.

 

EUGéNE FROMENTIN (1820-1876)

Aprs sa scolaritŽ, il fut pendant quelques annŽes l'Žlve de Louis Cabat, peintre spŽcialiste des paysages. Un style trs influencŽ par Eugne Delacroix, et plusieurs voyages en AlgŽrie qu' il fut l'un des premiers dans le milieu artistique parisien ˆ prendre comme sujet de ses Ïuvres, en font l'un des reprŽsentants les plus Žminents de l'Orientalisme. Et ses travaux ont ŽtŽ autant une contribution ˆ l'ethnologie que des Ïuvres d'art.

Moisson en Provence

 

B- LE REALISME

Aprs 1840, les artistes commencent ˆ se tourner vers les paysans de leur propre pays. Apparaissent ainsi des paysans franais, du Nord, allemands, etc. qui prennent place ˆ c™tŽ des paysans italiens, avec les mmes intentions. Mais les buts ŽlevŽs traditionnels s'accordent mal au peu de noblesse qu'a la vie paysanne aux yeux des europŽens. Peu ˆ peu pourtant, gr‰ce au dŽveloppement de l'esprit scientifique et aux ouvrages ethnographiques, l'intŽrt grandit et le paysan finit par tre considŽrŽ comme l'humain le plus proche de la nature. Ce qui ne va pas sans rŽsistance de la part du public et des critiques, car l'idŽalisation reste la rgle et la nature est considŽrŽe comme l'antithse de l'art.

 

FERDINAND-GEORG WALDMULLER (1793-1865)

Peintre et Žcrivain autrichien.

Il Žtudie ˆ l'acadŽmie des beaux-arts de Vienne, et assure ensuite sa subsistance en peignant des portraits. En 1811, il obtient un poste de professeur d'arts plastiques auprs des enfants du comte Gyulay, en Croatie. Trois ans plus tard, il revient ˆ Vienne et se forme par la copie des grands ma”tres.

IntŽressŽ par la nature, il se met ˆ peindre des paysages. C'est dans ce genre que son style atteindra la plus grande originalitŽ. WaldmŸller fut un temps professeur ˆ l'acadŽmie des beaux-arts de Vienne, mais eut rŽgulirement des disputes avec l'Žlite viennoise en raison de ses critiques au sujet du systme de l'acadŽmie, qu'il voulait concentrer sur l'Žtude de la nature.

Jeune paysanne avec 3 enfants ˆ la fentre, 1840

Le cadre est peint en trompe-l'Ïil comme le cadre d'un tableau, et le regard est conduit vers le secret de l'intŽrieur. Le style, conforme aux conventions (surface lisse, contours prŽcis, idŽalisation gŽomŽtrique des formes), renvoie ˆ une tradition raphaŽlesque, mais les paysans sont montrŽs sans prŽtention, d'une manire franche et directe, le regard de la jeune femme obligeant le spectateur ˆ considŽrer la scne comme une rŽalitŽ.

 

ACHILLE MICHALLON (1797-1822)

Fils du sculpteur Claude Michallon (1751-1799),  l'un des reprŽsentants du paysage historique des annŽes 1780-1830. ƒlve de Pierre-Henri de Valenciennes, puis de David. En 1817 il est le premier laurŽat du "Prix de Rome de paysage historique", instituŽ en 1816 ˆ lÕinstigation de son premier ma”tre. Ma”tre de Corot qui hŽrita de son attachement ˆ la lumire, de sa construction de l'espace et de son refus de l'anecdote. Il dispara”t ˆ l'‰ge de 26 ans.

Paysanne des environs de Rome

L'agencement du costume, le drapŽ des tissus, ne sont plus inventŽs, mais peints d'aprs nature.

 

Dans ce nouveau cadre, Courbet et Millet sont jugŽs comme nettement rŽalistes. Leurs Ïuvres reproduisant des moments vus et vŽcus, elles sont jugŽes grossires et vulgaires, parce qu'elles dŽfient les traditions d'idŽalisation de la paysannerie qui rgnent dans les Salons. Avec eux, on trouve pour la 1e fois dans l'histoire de la peinture de genre rural des artistes qui reprŽsentent un monde dont ils sont issus, qu'ils connaissent bien. Courbet Žtudie les tensions sociales et rapproche (confronte?) les paysans et ceux que l'Žchelle sociale place plus haut. Millet, lui, ne reprŽsente que les paysans et leurs travaux dictŽs par le cycle des saisons. Par ailleurs, Courbet personnalise les figures et les dŽtaille, Millet gŽnŽralise et ramne ses personnages ˆ des types qu'il rŽpte ˆ l'infini.

 

GUSTAVE COURBET (1819-1877)

D'une famille de propriŽtaires terriens, il entre au petit sŽminaire dÕOrnans o il reoit un premier enseignement artistique avec un professeur de dessin disciple de la peinture prŽromantique d'Antoine-Jean Gros. Ensuite, il entre au collge Royal de Besanon o, dans la classe des beaux-arts il suit des cours de dessins d'un ancien Žlve de David. Fin 1839, il part pour Paris, o il suit des Žtudes de droit et paralllement frŽquente lÕatelier du peintre Charles de Steuben. En 1849 il revient ˆ Ornans, change sa manire de peindre. InspirŽ par son terroir, il crŽe un style quÕil qualifie de rŽalisme. En 1853, la rencontre du collectionneur montpelliŽrain Alfred Bruyas (1821-1876) sera dŽterminante pour sa carrire.

- La Commune, la colonne Vend™me, l'exil

Aprs la proclamation de la RŽpublique le 4 septembre 1870, il est nommŽ prŽsident de la commission des musŽes et dŽlŽguŽ aux beaux-arts. Alors qu'il a proposŽ au Gouvernement de la DŽfense nationale le dŽplacement de la Colonne Vend™me, qui Žvoque les guerres napolŽoniennes, aux Invalides, la Commune dŽcidera carrŽment de lÕabattre. Aprs la Semaine sanglante, Courbet est arrtŽ le 7 juin 1871, et condamnŽ ˆ six mois de prison et ˆ 500 francs d'amende.

- Malheureusement pour lui,  en mai 1873, le nouveau prŽsident de la RŽpublique, le marŽchal de Mac-Mahon, dŽcide de faire reconstruire la Colonne Vend™me aux frais de Courbet (soit plus de 323 000 francs selon le devis Žtabli). Il est acculŽ ˆ la ruine aprs la chute de la Commune, ses biens mis sous sŽquestre, ses toiles confisquŽes. Il s'exile en Suisse, ˆ La Tour-de-Peilz, prs de Vevey.

Les paysans de Flagey revenant de la foire, 1850

La scne se situe sur la route dÕOrnans : des paysans du village de Flagey cheminent en revenant de la foire de Salins. LÕattachement profond de Courbet ˆ sa terre natale et ˆ ceux qui lÕhabitent sÕinscrit dans une longue sŽrie dÕoeuvres qui accorde ˆ ces cortges rustiques une place privilŽgiŽe allant bien au-delˆ de la scne paysanne. L'artiste choisit un moment capital dans la vie rurale, o les paysans endimanchŽs vont Žchanger leurs produits ˆ la foire. Il s'applique ˆ reproduire chaque dŽtail, et peint lourdement une procession de personnages fatiguŽs, marchant un peu comme les animaux qu'ils suivent. Parce qu'il affiche des valeurs nŽgatives, le tableau fit scandale au Salon de 1850

 

JEAN-FRANCOIS MILLET (1814-1875)

A”nŽ d'une famille nombreuse, installŽe ˆ Gruchy, hameau de la commune de GrŽville, dans la presquÕ”le de la Hague, en Normandie. Il travaille dans la ferme familiale jusqu'ˆ l'‰ge de 20 ans, puis, douŽ en dessin, il est envoyŽ ˆ Cherbourg par son pre, gr‰ce ˆ des relations dans la bourgeoisie locale, pour apprendre le mŽtier de peintre. Le conseil municipal de Cherbourg et le conseil gŽnŽral de la Manche lui octroient ensuite une pension pour qu'il puisse continuer son apprentissage ˆ Paris. Il s'y installe en 1837 et Žtudie ˆ l'Žcole des beaux-arts dans l'atelier du peintre acadŽmique Delaroche. Deux ans plus tard, il Žchoue au Prix de Rome, perd alors sa bourse et doit quitter l'Žcole des beaux-arts.

En 1848, il expose au Salon Le vanneur, qu'Alexandre Ledru-Rollin lui achte pour cinq cent francs. C'est sa premire Ïuvre sur le travail paysan, qu'il dŽveloppera ˆ partir de 1849 en s'installant ˆ Barbizon: Les Botteleurs (1850), Des Glaneuses (1857), L'angŽlus (1859), la Tondeuse de moutons (1861) et la Bergre (1864), le classeront dans le courant rŽaliste.

Le semeur

Personnage solitaire semant ˆ l'aube, le semeur n'a pas de caractres distinctifs ni dans son visage (peu visible) ni dans son costume. Mais le mouvement de son corps, dŽtachŽ sur le ciel, confre au tableau rythme et Žnergie. C'est la 1e Ïuvre importante reprŽsentant un paysan au travail, ce qui sera pratiquement toujours le cas chez Millet.

 

JULES BRETON (1827-1906)

Originaire de Courrires, un village du Pas-de-Calais. De formation acadŽmique, rŽaliste, naturaliste puis symboliste vers la fin de sa vie, il est lÕun des premiers peintres paysans. C'est en effet vers 1848, pŽriode de forts bouleversements sociaux et politiques, qu'il commence sa carrire. La montŽe alors de l'industrialisation provoque un exode des campagnes vers les villes et suscite chez les intellectuels, les artistes, une prise de conscience du peuple dans sa vie ordinaire. Breton, comme d'autres, rejette l'idŽe classique du vrai associŽ au laid  pour peindre les hommes et les femmes de son pays natal dans leurs travaux journaliers, recherchant au travers d'un rŽalisme moralisant ˆ idŽaliser ce monde paysan dans sa quotidiennetŽ. Trs populaire de son temps, consacrŽ officiellement, il est aujourd'hui trs prŽsent et cŽlbre aux ƒtats-Unis.

Le rappel des glaneuses

 

MAX LIEBERMANN (1847-1935)

Peintre allemand. Ë partir de 1920, il est prŽsident de l'acadŽmie prussienne d'art mais en 1933, suite ˆ l'arrivŽe au pouvoir des nazis et ˆ cause de ses origines juives, il lui est interdit de peindre.

ƒtudes ˆ Berlin de 1868 ˆ 1873, puis ƒcole des beaux-arts de Weimar. Il rencontre ˆ DŸsseldorf le peintre rŽaliste hongrois Munkacsy, dont il subit lÕinfluence. De 1873 ˆ 1878, il sŽjourne ˆ Paris, est attirŽ par Courbet et Millet. Il Žtudie la peinture du XVIIe sicle lors de voyages en Hollande. Vers 1890, il s'inspire de l'impressionnisme franais.

Les plumeuses d'oie, 1871-72

Lorsque le tableau est exposŽ en 1873, la protestation est unanime dans la presse populaire, et l'Ïuvre autant vilipendŽe que le DŽjeuner sur l'herbe de Manet l'avait ŽtŽ en 1867. Parce que les femmes sont repoussantes, dŽformŽes, et qu'en consŽquence cette apparence rŽaliste s'oppose au concept du paysan beau comme un antique.

 

C- FIN DE SIECLE

Dans les vingt dernires annŽes du sicle, les artistes cherchent ˆ Žchapper ˆ la simple imitation de la rŽalitŽ. Paradoxalement, le paysan, qui avait ŽtŽ jusque lˆ considŽrŽ comme l'tre le plus proche de la nature, va jouer un r™le essentiel dans l'iconographie d'artistes et de styles artificiels et anti-naturalistes, le symbolisme, le nŽo-impressionnisme, et les post-impressionnistes en gŽnŽral.

 

MONET Les Meules

 

PISSARRO (1830-1903)

La reprŽsentation de paysans constitue l'un des sujets les plus personnels et les plus fŽconds de l'artiste, lointain Žcho ˆ ceux de Millet. Il tente de rŽaliser une peinture fondŽe sur l'observation mais allant au-delˆ du rŽalisme.Dans les annŽes 1880, il transforme ses scnes paysannes en s'Žloignant du descriptif.  Peu ˆ peu les sujets se font plus complexes et moins rŽalistes. Et en 1888, sous l'influence du nŽo-impressionnisme, il s'Žloigne totalement du rŽalisme pour adopter des compositions qui n'ont plus rien ˆ voir avec une scne prise sur le vif. Dans son univers rgne l'optimisme, avec l'idŽe que "le travail est la rgle normale pour l'homme" qui peut, dans la collectivitŽ, contr™ler la nature. Ses sources ne sont pas dans la littŽrature, mais dans les Žcrits sociopolitiques de Proudhon ou Reclus, avec lesquels il partage l'espoir d'un Žtat agro-industriel o tous les hommes contribueraient au travail des champs. Et c'est en adhŽrant ˆ ces idŽes qu'il abandonne le rŽalisme paysan, la vie rurale n'Žtant plus un idŽal en soi, mais une part de cette sociŽtŽ exemplaire dont il rve.

La bergre, 1881

Un des premiers tableaux o le peintre donne tant d'importance ˆ la figure, le paysage n'Žtant gure qu'une toile de fond. Image rŽaliste, sans description trs prŽcise, mais attitude, costume et traits la rapprochent des rgles rŽalistes du portrait. La jeune fille n'est pas un symbole, mais une personne.

La Jeune paysanne faisant du feu

Lorsqu'il peint ce tableau, Pissarro demeure un reprŽsentant majeur du courant impressionniste alors que, ˆ partir de 1886, il s'intŽresse aux recherches nŽo-impressionnistes, adoptant une touche divisŽe selon la mŽthode de Georges Seurat. Un groupe de peintres "indŽpendants" belges les sollicite d'ailleurs tous deux, en 1887 et 1889, pour participer ˆ Bruxelles ˆ l'exposition des XX. Jeune paysanne faisant du feu y figurera en 1889.

La cueillette des pommes, 1888

Sujet souvent traitŽ en techniques diverses. Pissarro a dŽlibŽrŽment accentuŽ l'aspect dŽcoratif des taches d'ombre au 1r plan. Les lignes du paysage parfaitement composŽ s'accordent avec les mouvements des paysans.

 

GAUGUIN (1848-1903)

Ce n'est pas l'idŽal social d'un Pissarro qui motive l'anti-rŽalisme de Gauguin et du groupe de Pont Aven. Gauguin et ses camarades sont fascinŽs par la dŽvotion des paysans et surtout les manifestations ˆ rŽsurgences pa•ennes. Gauguin transforme la piŽtŽ paysanne en utilisant des moyens primitifs, dŽformant les personnages qui ne sont plus ni des paysans types ni des individus. En outre, il Žvite ˆ l'Žvidence le beau. Ses adeptes, SŽrusier et Bernard, usent du mme systme et dŽpersonnalisent le monde paysan de la mme faon.

La belle Angle

Portrait allŽgorique, qui soulve des questions sur la vanitŽ et la religion (cf. les ŽlŽments chrŽtiens et pa•ens). La paysanne, inexpressive, et plut™t laide, acquiert une irrŽalitŽ pesante, soulignŽe par son inscription dans un cercle japonisant que l'on ne peut dŽfinir ni comme bo”te ˆ g‰teaux, ni comme fentre, ni comme miroir. Elle en devient de fait une simple abstraction.

 

EMILE BERNARD (1868-1941)

Sa famille quitte Lille pour Paris alors qu'ƒmile Bernard a 10 ans. En 1884, il entre dans l'atelier de Fernand Cormon o il se lie avec Anquetin et Toulouse-Lautrec. Exclu de l'Atelier Cormon en 1886, il quitte Paris pour un voyage ˆ pied en Normandie et en Bretagne. L'hiver 1886-87, il rencontre Van Gogh ˆ Paris, traverse une pŽriode pointilliste puis, au printemps, il revisite la Normandie et la Bretagne, se rend ˆ Pont-Aven. Gauguin et Laval sont alors en Martinique. Il abandonne le pointillisme pour le cloisonnisme, ŽlaborŽ avec Anquetin.

En aožt 1888 a lieu la vŽritable rencontre avec Gauguin. Tous deux, alors ˆ un moment charnire de leurs Žvolutions artistiques, se dirigent vers les synthses conceptuelle et formelle d'o na”t le symbolisme de Pont-Aven: le "synthŽtisme", qui se traduit par une suppression de tout ce qui n'est pas mŽmorisŽ aprs la visualisation, des formes simples et des couleurs plates "cernŽes par l'arabesque dŽcorative" (Gauguin).

Scne d'extŽrieur

Costumes, silhouettes, poses, sont  dŽformŽes de telle sorte que le monde du paysan breton appara”t comme un univers fermŽ, inaccessible, dont les tres n'ont aucune raison d'tre clairement dŽfinis. La distance entre l'artiste et son sujet est encore accentuŽe par l'utilisation de zones de couleur parfaitement plates et proches de l'abstraction.

 

PAUL SERUSIER (1864-1927)

NŽ dans une famille aisŽe, il reoit une Žducation classique. En 1875, il entre au lycŽe Condorcet o il Žtudiera la philosophie, le grec, le latin et les sciences, et acquerra ses deux dipl™mes de philosophie et de sciences en 1883.

En 1885, il entre ˆ l'AcadŽmie Julian.

Il passe l'ŽtŽ 1888 ˆ Pont-Aven et se rapproche du petit groupe d'artistes qui entourent ƒmile Bernard et Paul Gauguin. Ce dernier l'encourage ˆ se dŽbarrasser de la contrainte imitative de la peinture, ˆ user de couleurs pures, vives, ˆ ne pas hŽsiter ˆ exagŽrer ses visions, et ˆ donner ˆ ses peintures sa propre logique dŽcorative et symbolique.

Avec ses proches Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels et Paul-Elie Ranson, SŽrusier formera le groupe ŽphŽmre des Nabis.

La solitude, 1890-92

Nouvelle version de la bergre de Pissarro, celle-ci est mal proportionnŽe, plut™t vilaine et d'aspect misŽrable, bien loin de l'optimisme de Pissarro.

 

VAN GOGH (1853-1890)

En 1889, VG fait une sŽrie de petits tableaux paysans d'aprs des gravures d'Ïuvres de Millet.

La tondeuse de moutons (d'aprs Millet), 1889

De l'original plut™t statique et tout en nuances, VG fait une composition dynamique, en touches gestuelles comme ˆ son habitude, aux couleurs (inventŽes) vives. La figure de la tondeuse se fait symbole du travail.

Millet la tondeuse de moutons

 

SEURAT (1859-1891)

Le faucheur

Le labourage

 

GIOVANNI SEGANTINI (1858-1899)

FormŽ ˆ l'acadŽmie de Brera ˆ Milan de 1875 ˆ 1879, il occupe une place ˆ part entre le dernier romantisme et le dŽbut du divisionnisme italien. Vers 1880 il se lie avec le marchand Vittore Grubicy de Dragon qui aura l'exclusivitŽ de sa production. Entre 1880 et 1890, les thmes "rŽalistes" prennent une place dŽterminante dans son Ïuvre. Les dernires annŽes de sa vie, les paysages alpins deviennent son thme privilŽgiŽ. Contemporain de Van Gogh, de Munch et d'Ensor, son registre idŽologique et thŽmatique reste prisonnier d'un populisme sentimental qui limite la portŽe de son Ïuvre.

Ave maria

Sujet rempli d'allusions religieuses. La rŽalitŽ paysanne est symbolisŽe et transposŽe en valeurs mystiques. L'accord paysan/t‰ches/animaux/dŽcor s'inscrit dans une composition qui en souligne l'unitŽ.

 

2- SIGNIFICATIONS

 

A- PAYSAN & CIVILISATION

Les Žmigrations et la mobilitŽ des classes permettent dorŽnavant aux paysans de c™toyer, voire pŽnŽtrer, les rangs de la bourgeoisie intellectuelle et possŽdante. Face ˆ la culture rurale, il y aura deux faons de la considŽrer: soit voir le paysan comme une tre proche de l'animal, soit le regarder comme le seul homme authentique, reprŽsentant le fondement de la culture nationale.

 

- Le Paysan "animal"

"De tous les animaux utiles, la femme est celui que le paysan romain emploie avec le plus de profit" (1861, Edmond About). Pour Georges Lecomte, le paysan est un "vŽgŽtal humain", ou "une bte humaine". En France est un proverbe populaire "Jacques Bonhomme a bon dos et peut tout supporter", en Allemagne "le paysan est comme un bÏuf, mais il lui manque les cornes". La conviction est forte que le paysan n'est gure plus qu'un animal, et c'est particulirement flagrant dans la littŽrature. La cohabitation avec les animaux ajoute encore ˆ la rŽpulsion gŽnŽrale. En peinture, la reprŽsentation est tout de mme assez rare, et assez pondŽrŽe pour ne pas contredire une certaine idŽalisation de l'image..

 

SIR EDWIN HENRY LANDSEER (1802 –1873)

PersonnalitŽ importante de l'art britannique du XIXe sicle, connu pour ses peintures animalires, en particulier de chevaux et de chiens. Ses Ïuvres les plus connues sont toutefois des sculptures, les lions de Trafalgar Square ˆ Londres.

A 13 ans, en 1815, Landseer prŽsente son travail ˆ la Royal Academy. Il est Žlu membre associŽ de la Royal Academy ˆ 24 ans, et acadŽmicien cinq ans plus tard. Anobli en 1850, il refusera le poste de PrŽsident de la Royal Academy en 1866.

Un dŽjeuner en ƒcosse, 1834

L'un des premires reprŽsentations de la cohabitation paysans/animaux, parmi les plus apprŽciŽes d'ailleurs. A l'exposition universelle de Paris en 1855, ThŽophile Gautier note qu'elle donne une image franche du rapprochement entre les hommes et les chiens.

 

SEGANTINI Les mres fatiguŽes

 

CHARLES JACQUE (1813-1894)

L'un des reprŽsentants, avec Jean-Franois Millet, de l'ƒcole de Barbizon.

Fuyant les ŽpidŽmies qui frappent Paris, Charles Jacque s'installe en aožt 1849 ˆ Barbizon avec Millet. Les sujets de ses crŽations sont d'inspiration rustique ou champtre: p‰tres, troupeaux de moutons ou de porcs, vues ou scnes de vie de ferme.

RentrŽe ˆ la bergerie

L'homme est reprŽsentŽ comme le berger type, sans que l'on voie sa physionomie, et dans une position neutre, tandis que les animaux sont soigneusement individualisŽs dans leurs attitudes. L'autoritŽ du paysan est nŽanmoins incontestable.

 

MAX LIEBERMANN (1847-1935) Dans les dunes, 1890

Au contraire du prŽcŽdent, le tableau montre la rŽsistance de l'animal ˆ son ma”tre. Une chvre, soumise, trotte auprs de la paysanne, tandis que l'autre, rebelle, refuse de la suivre. Liebermann Žvoque peut-tre en opposition le problme de la soumission du paysan ˆ la nature, et le contr™le qu'il doit exercer sur elle.

 

EMILE LOUBON (1809-1863)

Fils d'un nŽgociant aisŽ, il Žtudie le dessin sous la direction de Jean-Antoine Constantin, de Franois Marius Granet et de Louis Mathurin ClŽrian. En 1829, Granet l'invite ˆ l'accompagner pour un voyage d'Žtudes ˆ Rome, o il restera deux ans. Il rentre en France en 1831 et part pour Paris. Il obtient la mŽdaille de troisime classe au Salon de 1833.

La ruine de son pre le rappelle brusquement ˆ Aix en 1845. Son oncle, adjoint aux Beaux-Arts de Marseille, parvient ˆ le faire nommer ˆ la direction de l'Žcole de dessin de Marseille en 1845. Dans le mme temps, il fonde la SociŽtŽ des Amis des Arts de Marseille. VŽritable fondateur de l'Žcole de Provence, excellent portraitiste, il est surtout un paysagiste attentif aux variations atmosphŽriques et un peintre animalier.

Troupeau en marche, vers 1851

 

MILLET, La naissance du veau, 1864

L'Ïuvre souleva de sŽvres critiques parce qu'elle exprime la comprŽhension, l'amour, le respect des hommes pour leurs animaux. RŽfŽrence au veau d'or de la Bible, le transport solennel du veau ˆ la ferme inverse les rapports: les hommes deviennent des btes de somme, tandis que l'animal est sacralisŽ..

 

- Le folklore

Dans la 2e moitiŽ du sicle, le dŽveloppement de l'anthropologie conduit une autre image qui va s'imposer: celle d'un individu ayant des coutumes, des traditions, qui, pour tre diffŽrentes de celles du citadin, n'en constituent pas moins une vŽritable culture.

 

FRANZ LUDWIG CATEL (1778-1856)

Peintre allemand. Il entre ˆ Berlin Kunstakademie, en devient membre en 1806. En 1807, alors qu'il s'est dŽjˆ fait un nom comme aquarelliste et illustrateur, il commence  ˆ Žtudier la peinture ˆ l'huile ˆ l'acadŽmie des beaux-arts ˆ Paris. En 1811 il part pour l'Italie, o il passera le reste de sa vie. Il est spŽcialiste des scnes napolitaines en costumes festifs folkloriques, une peinture qui sera trs populaire auprs de la masse de riches voyageurs qui vinrent en Italie aprs les guerres napolŽoniennes.

Scne de la vie populaire prs de Pozzuoli, vers 1823

Les personnages sont placŽs dans un contexte ethnographique. La tarentelle est le symbole de la culture napolitaine.

Bergers italiens, vers 1820

Le fond neutre oblige le spectateur ˆ fixer son regard et ˆ dŽtailler les particularitŽs des costumes, notamment les riches couleurs de celui de la femme.

 

ERNEST BIELER (1863-1948)

Aprs ses Žtudes ˆ Lausanne, il suit les cours de l'acadŽmie Julian. En 1900, il obtient la mŽdaille d'argent de l'Exposition universelle de Paris. Il appartient, avec Rapha‘l Ritz, ƒdouard Vallet, Albert Chavaz et d'autres, ˆ ce que l'on nomme l'Žcole de Savise.

Tresseuses de paille

Retour de baptme

 

DAGNAN-BOUVERET Pascal-Adolphe (1852-1929)

Fils d'un tailleur parisien, il entre en 1869 dans l'atelier d'Alexandre Cabanel, puis ˆ l'ƒcole des beaux-arts chez Jean-LŽon GŽr™me. Second au Prix de Rome en 1876, il s'installe en Franche-ComtŽ o il peint des scnes de la vie quotidienne. A partir de 1885, il visite souvent la Bretagne qui lui inspirera de nombreuses toiles. Le Pardon en Bretagne lui vaudra un mŽdaille d'honneur ˆ l'exposition universelle de 1889.

Il reoit le grand prix de l'Exposition universelle de 1900 pour l'ensemble de son Ïuvre et est Žlu membre de l'AcadŽmie des beaux-arts le 27 octobre 1900.

Jeunes bretonnes

Dans les deux dernires dŽcennies du sicle, les peintres sont particulirement attirŽs par les costumes bretons. Dagnan-Bouveret particulirement. Il dŽcrit trs prŽcisŽment les costumes, et surtout les coiffes dont la blancheur semble symboliser la foi et la puretŽ. Ses Ïuvres tiennent des Žtudes de costumes et de l'observation des rites religieux.

 

PHILIPPE JEANRON (1807-1877)

ƒlve de Sigalon, il peint des paysages dans le gožt de l'Žcole de Barbizon. Mais il reste surtout connu pour la part active qu'il prit au moment de la rŽvolution de 1830, pour dŽfendre la libertŽ d'expression des artistes, en fondant la SociŽtŽ libre de peinture et de sculpture. Aprs une sŽrie d'Ïuvres engagŽes, il devient peintre de genre, fortement marquŽ par les artistes hollandais. Simple observateur du quotidien, il ne porte plus de jugement sur la sociŽtŽ et se contente de dŽcrire la vie des petites gens, quÕils soient paysans limousins ou pcheurs, scnes souvent placŽes dans de vastes paysages. En 1848, il est nommŽ directeur des MusŽes nationaux, poste o il sera vite remplacŽ par Nieuwerkerke. Mais on lui doit les premiers inventaires complets des collections et le classement des peintures par Žcoles.

Les paysans limousins, 1834

 

ANDERS ZORN (1860-1920)

peintre et graveur suŽdois.

Oeuvre violente, fortement reprŽsentative de la vie et des atmosphres.

Danse de la Saint-Jean, 1897

 

GAUGUIN (1848-1903)

Les 4 Bretonnes

Paysannes

 

B- PAYSAN & VALEURS BOURGEOISES

Les tableaux de paysans sont le support des principes de la bourgeoisie. Cette dernire a besoin, aprs la RŽvolution, d'asseoir sa supŽrioritŽ de classe. Elle vŽhicule donc ses propres valeurs. Travail, famille, patrie, religion vont tre maintes fois reprŽsentŽs, l'image du paysan Žtant le dŽnominateur commun de ces principes censŽs tre ceux de l'humanitŽ tout entire.

 

- Le travail

Un moraliste Žcrit au milieu du sicle: "les paysans saventÉ que le travail purifie la matire, sanctifie la pensŽe, est une prire active que l'homme industrieux adresse sans cesse au crŽateur."  Il sera cependant peu reprŽsentŽ avant le milieu du sicle, les gestes et dŽformations qu'il impose au corps n'Žtant pas compatibles avec la "beautŽ idŽale" dont les modles sont puisŽs dans la statuaire antique.

La reprŽsentation s'en appuiera sur un certain nombre de thmes privilŽgiŽs, sans cesse rŽpŽtŽs: les travaux saisonniers, et particulirement les semailles et les moissons, les labours, mais aussi le repos et les ftes,  partie intŽgrante, comme juste rŽcompense, du travail.

 

FRAN‚OIS-ANDRƒ VINCENT (1746 -1816), nŽoclassique.

ƒlve de son pre, le miniaturiste Franois-ƒlie Vincent, puis de Joseph-Marie Vien, il est laurŽat du Prix de Rome en 1768 et sŽjourne en Italie de 1771 ˆ 1775. Il est admis ˆ lÕAcadŽmie royale de peinture et de sculpture en 1777 et ˆ partir de cette date expose rŽgulirement au Salon. ConsidŽrŽ comme le chef de l'Žcole nŽoclassique et lÕun des principaux rivaux de Jacques-Louis David, il est rapidement supplantŽ par celui-ci. Ë la RŽvolution, ses convictions royalistes lÕopposent encore plus ˆ David. Il sera l'un des premiers membres de lÕAcadŽmie des beaux-arts de l'Institut de France, qui remplace l'AcadŽmie royale en 1795.

La leon de labourage, ou L'agriculture, 1798

Pour Vincent, le travail des champs est noble et le paysan honnte et digne de respect. Son laboureur, musclŽ et bronzŽ, est un personnage de la Renaissance et son doigt pointŽ rŽpte le geste de Dieu donnant vie ˆ Adam ˆ la chapelle Sixtine.

La scne est un exemplum virtutis proposŽ au citadin comme sujet de rŽflexion morale. "PŽnŽtrŽ de cette vŽritŽ que l'agriculture est la base de la prospŽritŽ des ƒtats, le peintre a reprŽsentŽ un pre de famille qui, accompagnŽ de sa femme et de sa jeune fille, vient visiter un laboureur au milieu de ses travaux. Il lui rend hommage en assistant ˆ la leon qu'il l'a priŽ de donner ˆ son fils, dont il regarderait l'Žducation comme imparfaite sans cette connaissance." (commentaire du livret du Salon 1798).

 

SEGANTINI

Labourage en Engadine, 1887-90.

 

LEON LHERMITTE (1844-1925)

Son pre, instituteur, remarque ses capacitŽs et son gožt pour la peinture, et lui permet de faire ses Žtudes aux beaux-arts. Sa formation terminŽe, il expose souvent et recevra plusieurs rŽcompenses. Il participera comme jury ˆ lÕExposition universelle de Paris en 1900. ReprŽsentant du naturalisme, il adopte comme sujet la vie sociale ouvrire et paysanne de son temps avec des scnes de travaux pŽnibles. Il prolonge jusqu'au XXe sicle le mouvement rŽaliste avec ses oeuvres, largement popularisŽes par l'imagerie. Lhermitte retient davantage par des Žtudes au pastel et au fusain o, sans atteindre au gŽnie de Millet, il se voulut son continuateur. Il fut en 1890 l'un des fondateurs de la SociŽtŽ nationale des beaux-arts.

Le labour gravure sur bois, 1889

 

ROSA BONHEUR (1822-1899)

ƒlve de son pre et de LŽon Cogniet, elle expose pour la premire fois au Salon en 1843, reoit une mŽdaille de 3e classe au salon de 1845 et une mŽdaille d'or au salon de 1848. L'annŽe suivante, elle y expose le Labourage nivernais, commande de l'ƒtat. Avec le MarchŽ aux chevaux, prŽsentŽ au salon de 1853, elle conna”t une gloire internationale qui lui vaudra d'tre prŽsentŽe ˆ des personnalitŽs telles que la reine Victoria dont elle est le peintre favori, l'impŽratrice EugŽnie, ou encore le Colonel Cody (Buffalo Bill), qui lui offre une authentique panoplie de Sioux.

En 1859, elle s'installe ˆ By, coteau viticole de la commune de Thomery en Seine-et-Marne, o elle installe son atelier et amŽnage des espaces pour ses animaux.

Homosexuelle, paradoxalement, sa vie excentrique n'a pas fait scandale ˆ une Žpoque pourtant trs soucieuse des conventions. Elle porte les cheveux courts, fume des havanes, mais devra tout de mme demander aux autoritŽs policires l'autorisation de porter des pantalons pour frŽquenter les foires aux bestiaux (autorisation de travestissement, renouvelable tous les six mois auprs de la prŽfecture de Paris).

Labourage en Nivernais

Fenaison en auvergne

 

LEON LHERMITTE (1844-1925)

Lieuses de gerbes

La fenaison

La moisson

 

EMILE BERNARD  La moisson

 

MILLET Les glaneuses

 

JULES BRETON

Les glaneuses, 1854

Admirateur de Courbet et surtout de Millet, Breton prŽsente au Salon de 1855 cette importante composition qui marque le dŽbut de sa glorieuse carrire comme peintre et Žcrivain de la paysannerie franaise. Ce groupe complexe de plus de 40 personnages est peint dans un style trs nouveau. Au crŽpuscule, femmes et enfants glanent sous la surveillance d'un garde-champtre. Il s'agit lˆ du "second glanage", permis aux pauvres aprs la rŽcolte et le premier glanage effectuŽ par les gens de la ferme. Breton choisit une lumire qui met l'accent sur les vtements de travail froissŽs, et multiplie les points de vue, dŽclinant ainsi nombre d'observations sur la hiŽrarchie sociale, la charitŽ, les gestes du travail de la terre.

Si l'ensemble des paysans de Breton se compose d'individus jeunes et sains travaillant en groupe, et ceux de Millet sont plus solitaires et fatiguŽs, l'un comme l'autre usent d'idŽalisation. Tous deux tentent de transcender la rŽalitŽ en donnant ˆ voir un peuple que la civilisation industrielle n'a pas encore touchŽ, vision sentimentale et romantique.

Les sarcleuses (glaneuses?)

 

JULIEN DUPRE (1851-1910)

Dans la lignŽe de Jean-Franois Millet et de Jules Breton il va exceller dans la peinture rŽaliste avec LŽon Lhermitte, Jules Bastien-Lepage et Pascal Dagnan-Bouveret. Il devient l'un des meilleurs peintres animaliers et  reproduit la vie des paysans avec fidŽlitŽ. Il sait en outre jouer avec les couleurs, la lumire et les ombres pour donner vie ˆ ses sujets. Entre acadŽmisme et impressionnisme, son Ïuvre met en scne les travaux des champs dans leur dure rŽalitŽ. Les personnages ne sont pas figŽs dans des poses acadŽmiques mais en mouvement dans lÕaction, dans lÕeffort comme dans le repos, montrant ainsi leur humanitŽ.

Bouguereau et Breton sont ses modles mais il se laisse aussi influencer par le mouvement impressionniste, utilisant le couteau pour apporter plus de relief et de vibration ˆ sa peinture. Vite reconnu aux Etats-Unis, o il vendit de nombreuses toiles, il y est encore aujourd'hui trs recherchŽ..

Les foins, 1884

La pause de midi

 

BASTIEN-LEPAGE (1848-1884)

NŽ ˆ Damvillers, prs de Verdun dans un milieu modeste de propriŽtaires terriens et de paysans. Il suit des Žtudes secondaires ˆ Verdun et, muni de son baccalaurŽat s-sciences, il arrive ˆ Paris en 1867, entre ˆ l'Administration gŽnŽrale des postes en tant que surnumŽraire, ce qui lui laisse le temps de travailler le dessin. Ë la mme Žpoque il tente sans succs le concours de l'ƒcole des beaux-arts. L'annŽe suivante il est admis dans l'atelier de Cabanel. Le 20 octobre 1868 enfin, il est reu premier au concours et entre ˆ l'Žcole des beaux-arts dans la section peinture. En 1875 l'Annonciation aux bergers lui permet d'tre deuxime au Grand Prix de Rome. Il va hŽsiter entre deux directions : les thmes traditionnels et ses gožts pour les scnes de la vie paysanne. Peintre de la vie rurale, il aime travailler prs des paysans, les suivre dans leurs occupations quotidiennes. Paralllement, il mne une carrire de portraitiste.

Il ne travailla gure plus de 10 ans et pourtant il laisse une Ïuvre Žtonnante et exceptionnelle.Il meurt ˆ 36 ans en 1884 d'un cancer.

Les foins

Une longue analyse du tableau de Bastien-Lepage par le critique Paul Mantz permet de mieux comprendre la complexitŽ des rŽactions de l'Žpoque devant ces images de moments de repos aprs des travaux pŽnibles : "Cette paysanne est un monument de sincŽritŽ, un type dont on se souviendra toujours. Elle est trs h‰lŽe par le soleil, elle est laide; la tte est carrŽe et mal dŽgrossie; c'est la reproduction implacablement fidle d'une jeune campagnarde qui ne s'est jamais regardŽe au miroir de l'idŽal. Mais dans cette laideur il y a une ‰me. Cette faneuse si vraie par l'attitude, les yeux fixŽs vers un horizon mystŽrieux, est absorbŽe par une pensŽe confuse, par une sorte de rverie instinctive et dont l'intensitŽ se double de l'ivresse provoquŽe par l'odeur des herbes coupŽes. Le son d'une cloche, l'appel du ma”tre des faucheurs, la tireront bient™t de sa contemplation muette. Elle reprendra son dur travail, elle rentrera dans les fatalitŽs de la vie rŽelle. Mais pendant cette rude journŽe, l'‰me aura eu son entracte. De tous les tableaux du Salon, y compris les tableaux religieux, la composition de Bastien-Lepage est celle qui contient le plus de pensŽe."

 

CAMILLE PISSARRO 

Les foins

Les ramasseurs de pommes de terre

 

VAN GOGH La rŽcolte des olives

 

RUDOLF ANTON MAUVE (1838-1888)

Membre Žminent de l'Žcole de La Haye, aujourd'hui plus connu pour son influence sur les dŽbuts de son cousin Vincent van Gogh. Contre la volontŽ de ses parents, il entreprend des Žtudes artistiques xhez Van Os, dont la sŽcheresse a acadŽmique a peu d'attrait pour lui Il a profitera beaucoup plus de son intimitŽ avec Jozef Israels. Il excelle ˆ rendre floue l'ambiance des vertes prairies Hollandaises, et se consacre presque exclusivement ˆ la reprŽsentation de la vie en milieu rural des. Ses peintures les plus connues reprŽsentent des paysans qui travaillent dans les champs, et en particulier l'Žlevage de moutons.

Le potager

 

- La famille

Des milliers d'images littŽraires ou picturales symbolisent les valeurs familiales chres ˆ la bourgeoisie. Des valeurs menacŽes par la vie moderne, et que l'on pense garanties et sauvegardŽes dans le monde paysan. Pourtant, les choses sont loin d'y tre aussi idylliques, et les Žcrits de voyages montrent au contraire une sociŽtŽ accablŽe par la misre et la maladie, dŽchirŽe par les querelles, soumise ˆ la loi de la cupiditŽ personnelle.

 

JOHN OPIE (1761-1807)

Fils d'un charpentier de Cornouailles, il fut pris en charge ˆ quatorze ans par le Dr John Wolcot (Peter Pindar) qui lui apprend ˆ conna”tre l'Ïuvre de Rembrandt et des

" tŽnŽbristes ". En 1781, Wolcot mene Opie ˆ Londres pour le lancer sur la scne artistique londonienne. Succs immŽdiat.  Opie dŽbute comme portraitiste. En 1784, il expose ˆ la Royal Academy (o sera reu en 1787) un tableau de genre intitulŽ l'ƒcole qui devait beaucoup ˆ la peinture du XVIIe flamand et hollandais. Ses peintures plus tardives appartiennent au Romantisme.

Famille du paysan, 1783-85

Îuvre dans la tradition du genre pastoral aimable ˆ la mode en Angleterre fin XVIIIe. Opie donne plus d'importance ˆ la femme et aux enfants du paysan qu'au paysan lui-mme, absent de la reprŽsentation, et les montre dans un moment de loisir. Ni pauvretŽ, ni rŽfŽrence aux fatigues et aux t‰ches mme du travail de la terre. Seuls sont mis en scne le lien affectif entre les personnages et celui qui les lie ˆ la nature.

 

JEAN-FRANCOIS RAFFAELLI (1850-1924)

ƒlve de GŽr™me ˆ lÕŽcole des beaux-arts, Raffa‘lli dŽbute au Salon en 1870. Aprs sÕtre consacrŽ au paysage, il peint des ouvriers ou des pauvres de la banlieue parisienne dans des Ïuvres naturalistes qu'il dŽfinit lui-mme comme "portraits types de gens du peuple". Il ne gŽnŽralise jamais mais caractŽrise volontairement l'tre humain. Sa facture est trs influencŽe par la technique des impressionnistes qu'il rencontrait au cafŽ Guerbois.

La famille de Jean-le-Boiteux, paysans de Plougasnou, Finistre, 1876

La toile, coupŽe, Žtait un portrait de groupe de plusieurs gŽnŽrations, d'un anti-idŽalisme volontaire. Ont disparu, sur la gauche, le pre et la fille. La composition montre ouvertement la discorde qui Žcarte les personnages les uns des autres, affichant ainsi les perturbations que la vie moderne inflige ˆ la vie familiale.

 

JEAN-FRANCOIS MILLET (1814-1875)

Millet a peint nombre de scnes familiales, axŽes sur l'idŽe du futur plus que du passŽ. Les personnages ne sont jamais vieux et l'on ne voit que rarement des grands-parents. La cellule familiale pour lui, comme pour beaucoup d'autres artistes, se rŽduit ˆ un couple jeune et vigoureux avec un ou deux enfants.

Le greffeur, 1855

AllŽgorie de la continuitŽ et du renouveau. Le jeune homme greffe la branche d'un pommier jeune sur un vieux tronc. En arrire des protagonistes, une ferme d'apparence prospre avec des arbres en espalier et des ruches. De multiples allusions au r™le rŽdempteur du travail de la famille.

La prŽcaution maternelle

La becquŽe

 

ISRAELS JOZEF (1824-1911)

Impressionniste nŽerlandais, pre du peintre Isaac Lazarius Isra‘ls. NŽ ˆ Groningue et mort ˆ La Haye.

Le repas frugal, exposŽ en 1876

La scne la plus frŽquemment reprŽsentŽe car chargŽe de sens symbolique est celle du repas de famille. Jozef Isra‘ls a souvent utilisŽ le sujet, et cette toile est l'une de ses Ïuvres les plus cŽlbres. Une famille paysanne idŽale (pre, mre et 3 enfants), dans un intŽrieur simple, "frugal" mais convenable et propre, malgrŽ la prŽsence d'une poule. 

 

VAN GOGH

Mangeurs de pommes de terre 1885

Van Gogh transforme un repas ordinaire en un rituel obscur, prŽsidŽ par la jeune fille dont le visage est cachŽ. Le sens est Žvidemment religieux: la composition Žvoque la Cne, une crucifixion appara”t sur le mur, et pour Van Gogh, les pommes de terre et la soupe de cŽrŽales ont des analogies avec le corps et le sang du Christ.

d'ap Millet Les premiers pas

 

- La religion

4e des grandes "vertus paysannes", la religion a ŽtŽ un sujet de choix pour les peintres. Leurs Ïuvres se regroupent de deux manires: le rituel religieux (folklorique), qui donne lieu ˆ des mises en scne dans la lignŽe de la peinture d'histoire; la description de la piŽtŽ comme Žmanation naturelle, sans rŽfŽrence aux rites ecclŽsiastiques, qui prolifre dans la 2e partie du sicle.

 

FRITZ VON UHDE (1848-1911)

Aprs avoir commencŽ des Žtudes ˆ l'AcadŽmie de Dresde, Uhde fait une carrire militaire (1867/1877). De 1877 ˆ 1879, il rŽside ˆ Munich et se consacre ˆ la peinture. En 1879-80, il travaille ˆ Paris chez le peintre hongrois Munk‡csy et expose ensuite rŽgulirement au Salon. Il se fixe ensuite ˆ Munich.

Ses sujets de prŽdilection sont des tableaux de genre ou des scnes bibliques transposŽes dans l'ambiance rŽaliste et sentimentale de son Žpoque, comme le Christ chez les paysans (1887). Un peu misŽrabiliste, son art montre la condition des pauvres et cŽlbre la grandeur du labeur des champs; son art peut se rapprocher de celui de Lhermitte ou de Cazin en France, y compris par la technique claire, lŽgre et pochŽe. Dans ses Ïuvres tardives, Uhde est influencŽ par l'Impressionnisme.

Christ chez les paysans

Dans ce tableau de 1887-1888, Uhde met en image le bŽnŽdicitŽ, la prire qui prŽcde les repas. Si le Christ est reconnaissable ˆ son aurŽole, sa barbe et sa longue robe, il est surtout trs proche des paysans. Il appara”t comme un humain solidaire des pauvres, le "vrai peuple de Dieu". Uhde participe ainsi du protestantisme libŽral de son sicle, marquŽ par une Žvolution vers une pratique morale, et non plus mystique, de la religion.

Comme dans L'angŽlus de Millet, c'est le personnage fŽminin qui exprime la plus grande ferveur. La mre se penche vers le Christ, les yeux levŽs vers lui, tandis que les hommes ont simplement la tte baissŽe, dans un geste traditionnel de recueillement. Il s'agit d'un stŽrŽotype assez rŽpandu ˆ l'Žpoque puisque l'on considre que c'est avant tout par l'intermŽdiaire des femmes que se maintiennent les traditions religieuses, en particulier dans les campagnes.

 

LEON LHERMITTE, Le christ chez les pauvres, 1905

 

ISRAELS  JOZEF (1824-1911)

Leur pain quotidien, 1864

 

JEAN-FRANCOIS MILLET (1814-1875)

L'angŽlus, 1857-59

 

COURBET (1809-1877)

Enterrement ˆ  Ornans, 1849

 

FERDINAND-GEORG WALDMULLER

La moisson, 1846

3 gŽnŽrations d'une famille de paysans moissonnent devant un sanctuaire. Sont mis en exergue leur diligence, leur union, et la foi qui les protgera de l'orage montant.

 

LEOPOLD ROBERT Paysans au bord de la route

 

DAGNAN-BOUVERET Pardon en Bretagne

 

BRETON JULES

BŽnŽdiction des blŽs en Artois, 1857

"La civilisation moderne n'a pas eu le temps d'enlaidir la simple silhouette d'un village agglomŽrŽ autour du clocher tranquille, au milieu d'une mer de blŽsÉ Les voilˆ ces paysans qui m'ont souri dans mon enfance. Ils vont, la tte un peu penchŽe, le pas tra”nard, murmurant des psaumesÉils vont, paisibles et endimanchŽs, sur ce chemin qui a bu leur sueur et qui, ˆ ce soleil en fte, semble aussi changer avec ses mille fleurettes ŽpanouiesÉ ils vont n'implorant pour leur chaumire que le bonheur sans bruit, que le pain quotidien dans le travail, la santŽ et l'honneur. Il vont remerciant la Providence dont ils suivent pieusement l'image, cet ostensoir qui rayonne dans le rayonnement du soleil." (Jules Breton)

 

GAUGUIN

La vision aprs le sermon ou Jacob et l'ange, 1888

RŽunit la vision, le prtre et les paroissiennes. Notons l'influence de l'art japonais, sensible dans le tronc d'arbre barrant en biais la surface, et dans les deux lutteurs repris directement d'une manga d'Hokusai.

 

JULES BASTIEN-LEPAGE (1848-1884)

Jeanne d'Arc, 1879

Une Jeanne paysanne, et attentive aux voix cŽlestes.

 

- Le Patriotisme

Dans l'ensemble de l'Europe, rares sont les tableaux qui illustrent les valeurs nationales de la paysannerie, l'accent Žtant mis davantage sur des fonctions rŽgionales. Nombre d'Ïuvres mettent l'accent sur le lieu exact de la scne, faisant du paysan l'homme d'une rŽgion plus que celui d'une nation, et un glissement s'effectue de l'image du paysan reprŽsentant de l'humanitŽ ˆ celle de son attachement ˆ son propre terroir.

AUGUSTE HERLIN (1815-1900) Battage de colza dans la plaine de Lille, 1861

 

Cependant, gŽnŽralement, la rŽgion reste fragment de la nation, et l'identitŽ rŽgionale est conue dans le cadre gŽnŽral de la patrie. Cadre dans lequel se situent les images du paysan soldat. Depuis longtemps, les armŽes sont dirigŽes par les classes supŽrieures et les troupes constituŽes de gens du peuple, en particulier de paysans, dont on va exalter les valeurs morales et physiques. Si quelques images montrent les mŽfaits de la guerre, elles passent inaperues face au grand nombre de celles qui montrent le dŽpart et le retour du conscrit comme des Žvnements heureux, voire glorieux.

 

PETER KRAFFT (1780-1856)

Johann Peter Krafft, peintre autrichien. A 10 ans, il commence ses Žtudes artistiques ˆ l'Hanau Akademie. En 1799, il va ˆ Vienne ˆ l'AcadŽmie des beaux-arts pour 3 ans, puis, de 1802ˆ 1808, Žtudie ˆ Paris avec David et Franois GŽrard.A son retour ˆ Vienne, il devient un peintre ˆ succs, obtient de nombreuses commandes de portraits, et deviendra en 1828 directeur de la Galerie de peinture Royale et ImpŽriale du BelvŽdre.

Le dŽpart du conscrit

Le retour du conscrit, 1820

2 tableaux peints en pendants. Le style, nŽo-classique, renvoie ˆ de nobles vertus. La littŽrature allemande abonde en descriptions de paysans virils et forts, bons soldats, bons dŽfenseurs de la patrie.

 

FERDINAND WALDMULLER

Le dŽpart du conscrit, 1858.

Plus rŽaliste, l'Ïuvre n'en met pas moins en scne un paysan jeune et beau, et laisse imaginer un heureux retour.

 

C- PAYSAN & MONDE MODERNE

Pour la plupart des artistes et Žcrivains du XIXe, le monde du paysan se situe hors des contraintes de son Žpoque. Mais ce monde va Žgalement se transformer, et les paysans connaissent vite des mutations semblables ˆ celles des citadins: difficultŽs pŽcuniaires, amŽliorations gr‰ce ˆ la machine, etc. Certains, propriŽtaires de leurs terres, peuvent amŽliorer leur pouvoir d'achat; beaucoup sont enr™lŽs dans l'armŽe. En outre les moyens de dŽplacement (chemin de fer, canaux) intgrent de plus en plus la campagne dans un ensemble gŽographique plus Žtendu.

 

- La condition sociale

L'idŽalisation inhŽrente ˆ la reprŽsentation de valeurs morales, mme dans l'observation la plus honnte, voile la rŽalitŽ de la condition du travailleur rural. L'afflux vers les villes, la puissance industrielle montante, la machine de plus en plus nŽcessaire (et cožteuse) mettent en cause la stabilitŽ du monde paysan. Chez les petits propriŽtaires, la transmission du patrimoine aux enfants se fait alŽatoire, tandis que la plupart des autres vivent dans des conditions misŽrables, parvenant ˆ peine ˆ vivre de leurs cultures. Les grandes exploitations, paralllement, exploitent les journaliers. Bref, le monde rural est en chute, mais rares sont les peintres qui osent traiter du problme et le reprŽsenter.

 

JULES BRETON  Le chant de l'alouette, 1884

 

MIHALY VON MUNKACSY (1844-1900) alias Michel von Lieb.

Peintre rŽaliste Hongrois.

Il expose au salon de Paris en 1870 , ville qu'il vient habiter en 1872. Il jouit, ˆ l'Žpoque, d'une grande notoriŽtŽ. Ses Ïuvres historiques, religieuses, et peintures de genre, font de lui l'un des ma”tres de la peinture hongroise du XIXe sicle.

La ramasseuse de fagots, 1873

La peinture Žvite l'Žvocation des relations harmonieuses entre l'homme et la nature. Le paysage est rŽduit ˆ quelques troncs vaguement inquiŽtants, verticales dressŽes qui soulignent en s'y opposant la ligne oblique du fagot et le dos flŽchi de la jeune femme, dont tout dŽnonce la pauvretŽ. Et donc, les distinctions de classe et le droit de propriŽtŽ, le droit de ramassage du bois procŽdant, comme le glanage, de la gŽnŽrositŽ des possŽdants. 

 

LEON LHERMITTE  La paye des moissonneurs, 1882

PrŽsentŽe ˆ l'exposition universelle de 1889, la toile montre des journaliers attendant leur salaire dans la cour d'une ferme prospre. Prs d'eux, les gerbes de blŽ, fruit de leur travail, qui ne leur appartiennent pas. L'Ïuvre met le doigt sur la question des rapports entre travail manuel et propriŽtŽ privŽe, problme qui dans les annŽes 1840 se trouve au cÏur du dŽbat politique entre Proudhon et Thiers. La prŽsentation, en outre, de ces paysans comme des travailleurs les inclut dans la vaste classe de ces derniers.

 

ANGELO MORBELLI (1853-1919)

Peint d'abord des scnes reprŽsentant des paysans et des ouvriers. Ensuite il pratiquera une forme de symbolisme, puis adhre au Futurisme.

ƒlve de Bertini et de Casnedi ˆ l'AcadŽmie Brera de Milan (1869-1876), Morbelli s'intŽresse rapidement ˆ l'esthŽtique des impressionnistes et, comme eux, tente avec quelques-uns de ses camarades qui partagent ses gožts picturaux (Previati, Segantini, Grubicy) d'organiser un Salon des refusŽs. Il expose en France et en Angleterre, ds 1882-1884, des Ïuvres d'une technique divisionniste  qui traduisent une constante mŽlancolie.

Pour 80 centimes, 1896

Le titre de l'Ïuvre affiche et souligne ce qui, dans l'image, est sensible mais non explicitŽ, ˆ savoir que l'on s'Žpuise pour un salaire de misre.

Rizires

 

GIUSEPPE DE SANTIS, Riz amer, 1949

 

- Rapports de classe

Tout au long du XIXe, le paysan est isolŽ de l'ensemble de la sociŽtŽ. Pas de mŽlange entre lui et les autres classes dans les peintures de genre paysan. On ne l'Žtudie que dans les rapports ma”tre/serviteur.

 

WILHELM VON KOBELL (1766-1853)

Cavalier et 2 jeunes filles, 1829

L'artiste a peint nombre de petites scnes de paysans des environs de Munich. Celle-ci montre deux jeunes filles en conversation avec un bourgeois ˆ cheval: la rencontre suppose un rapprochement entre les 2 classes, mais ˆ l'Žvidence illusoire.

 

COURBET Jeunes filles de village

Mme type de sujet chez Courbet, o les diffŽrences de classes sont marquŽes dans les costumes et les attitudes.

 

EMILE BERNARD, Bretonnes dans une prairie verte, 1888

A la fin des annŽes 1880, Bernard peint des Ïuvres o le rapport de classe s'affirme dans toute sa complexitŽ. Celle-ci tente de mettre en harmonie les diffŽrents groupes de la composition, mais il est clair que les sŽparations restent de mise: les bourgeoises, au fond, devisent entre elles, les paysannes Žgalement. Ajoutons que les hommes et les enfants sont aussi isolŽs, de mme que les chiens. Dans le groupe d'artistes rŽunis autour de Gauguin, on montre l'Žcart plus que la similitude.

 

CAUGUIN Bonjour Monsieur Gauguin

A l'Žvidence, malgrŽ la civilitŽ du "bonjour", les mondes des deux protagonistes ne sont pas les mmes.

 

ERMANNO OLMI, l'Arbre aux sabots 1978

Quatre familles vivent dans une grande ferme dans la plaine du pays bergamasque, entre l'automne 1897 et l'ŽtŽ 1898, partageant joies et peines de tous les jours. Une ferveur muette soude tous les membres de cette communautŽ dont la vie s'Žcoule au rythme des saisons, des travaux des champs, des veillŽes et des rosaires, du cochon qu'on tue ˆ No‘l et des ftes de printemps au village. Tous sont soumis ˆ l'autoritŽ du Ma”tre, ˆ qui tout appartient, ˆ qui reviennent les deux tiers de la moisson.  Chez les Batisti, le petit Minek est le seul ˆ aller ˆ l'Žcole, parce que le curŽ les a convaincus qu'il le fallaitÉ Un jour, Minek rentre avec un sabot cassŽ, et son pre travaillera toute la nuit en cachette pour lui en tailler un dans le bois d'un arbre appartenant au Ma”tre. Lorsque l'intendant s'en aperoit, les Batisti sont chassŽs de la ferme. Derrire leurs fentres, leurs compagnons les regardent, atterrŽs, s'enfoncer dans la nuit.

 

BILLE AUGUST, Pelle le conquŽrant (Pelle erobreren) 1987

Film danois rŽalisŽ par Bille August, sorti en 1987 et basŽ sur le roman du mme nom publiŽ par le Danois Martin Andersen Nex¿ en 1910. Oscar du meilleur film Žtranger en 1989, Palme d'Or au festival de Cannes 1988 et Golden Globe du meilleur film Žtranger en 1989.

Au XIXe sicle, un jeune garon et son vieux pre Žmigrent de la Sude vers le Danemark, espŽrant y faire fortune... Le pre, Lassefar, promet ˆ son fils de quoi manger ˆ leur faim ds qu'ils auront atteint le Danemark. Mais ils sont confrontŽs ˆ une rŽalitŽ bien diffŽrente. Le vieil homme et le jeune garon se voient refuser tout travail ˆ la ferme, et sont mis ˆ l'Žcart par de mŽprisant fermiers. La situation qu'ils parviennent finalement ˆ arranger n'est pas meilleure que la maigre existence qu'ils ont connue en Sude. FrappŽs par cette dŽception, ils n'ont cependant pas d'autre choix que d'essayer de survivre d'une manire ou d'une autre...

 

- La rŽbellion: conscience politique

La rŽvolte du paysan est plus frŽquemment ŽvoquŽe en littŽrature qu'en peinture. Cependant ici et lˆ apparaissent des Ïuvres qui, si elles ne sont pas ˆ proprement parler des dŽfis ˆ la bourgeoisie, sont tout du moins des manifestations de la solidaritŽ paysanne. SolidaritŽ contre l'ordre Žtabli, ou solidaritŽ collective en faveur d'une cause.

 

ALBERT BETTANIER

A Gravelotte, lithographie, 1883

Un groupe de moissonneurs cache ˆ la police un fugitif. La crainte de l'autoritŽ policire est une signe distinctif de la classe paysanne dans le 2e moitiŽ du XIXe.

 

FRANZ VON DEFREGGER (1836-1921)

Peintre originaire du Tyrol oriental, connu ˆ l'Žchelle internationale. Son pre lui lŽgua une grande ferme qu'il vendit aussit™t avec l'intention d'Žmigrer en AmŽrique. Mais, au lieu d'Žmigrer il prit des cours de dessin ˆ Innsbruck et ˆ Munich. Ce ma”tre de la peinture de genre fut anobli pour son tableau Speckbacher und sein Sohn Anderl (Speckbacher et son fils Anderl), peint ˆ l'occasion des noces d'argent de l'empereur Franois-Joseph et de l'impŽratrice Sissi. Dans son oeuvre, il a crŽŽ une vision du Tyrol, qui influencera jusqu'ˆ nos jours la manire dont sa rŽgion est perue dans le monde.

Les dernires rŽserves

Cette esquisse, destinŽe ˆ un tableau exŽcutŽ en 1874 et aujourd'hui exposŽ au musŽe de Vienne, reprŽsente la dernire phase, en 1809, de la guerre d'indŽpendance du Tyrol contre l'occupation franaise. L'originalitŽ est qu'il s'agit d'un groupe de villageois organisŽs ensemble pour dŽfendre une cause collective.

 

PELIZZA DA VOLPEDO (1868-1907)

Fils d'agriculteurs, il frŽquente l'Žcole technique de Castelnuovo Scrivia o il apprend les rudiments du dessin, puis entre ˆ l'acadŽmie de Brera, va ˆ Rome parfaire sa formation, puis ˆ Florence. Ë la fin de l'annŽe acadŽmique, il retourne ˆ Volpedo, dans le but de se consacrer ˆ l'Žtude de la nature. Perfectionniste, il va suivre ˆ Bergame les cours privŽs de Cesare Tallone. Il abandonne peu ˆ peu la peinture en p‰te pour adopter la technique du divisionnisme, pour enfin se tourner vers le courant social. En 1901, il termine le tableau Il Quarto Stato (Le Quatrime ƒtat), auquel il avait consacrŽ dix annŽes de travail, et l'expose en 1902 ˆ la Quadriennale de Turin, o il dŽclenche des polŽmiques. Enfin, en 1906, viendra la reconnaissance du milieu artistique et littŽraire.

Gr‰ce ˆ la diffusion toujours plus grande de ses Ïuvres lors d'expositions nationales et internationales, il est appelŽ ˆ Rome, o il rŽussit ˆ vendre ses Ïuvres, dont une ˆ l'ƒtat italien, Il sole (le Soleil), destinŽ ˆ la Galerie d'Art Moderne.

Mais aprs la mort soudaine de son Žpouse, en 1907, il sombre dans une dŽpression et  le 14 juin, ˆ moins de 40 ans, il se suicide.

Le 4e Žtat, 1901

Pelizza Žlimine les dŽtails au profit d'une collectivitŽ soudŽe d'ouvriers agricoles avanant pour demander justice. Le tableau est conu non comme la reprŽsentation particulire de Volpedo, non plus de l'Italie, mais comme la paysannerie en gŽnŽral du monde moderne. Dernire grande composition dans la tradition de la peinture d'histoire, le tableau est ˆ peine remarquŽ lors de son exposition ˆ Turin (1901) puis ˆ Rome (1907). Pour les peintres du dŽbut du XXe sicle, c'est la machine, l'ouvrier, la ville, qui vont devenir les sujets privilŽgiŽs.

 

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